La migration de retour favorise-elle l’insertion sur le marché du travail malien
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La migration de retour favorise-elle
l’insertion sur le marché du travail
malien ? Une analyse à partir des
données de l’EMOP

I. Bouare
M. Kuepie
A.-S. Robilliard
A. Sougane1
Cet article étudie les chances d'insertion sur le marché du travail des migrants de retour
au Mali à partir des données de l'Enquête Modulaire et Permanente auprès des
Ménages (EMOP) réalisée en 2011. Nous analysons d’une part l'impact de la migration
de retour sur l'orientation sectorielle sur le marché du travail et d'autre part son effet
sur le niveau de revenus des activités. Les résultats montrent que les migrants de retour
sont le plus souvent en activité dans le secteur agricole par rapport aux non migrants. Il
existe, cependant, des disparités selon le pays de provenance. Alors que les migrants de
retour d'un pays de la CEDEAO ont une chance plus élevée que les non migrants de
travailler dans le secteur agricole, ceux revenant des pays d'Europe et d'Amérique ont
une faible probabilité d'y exercer leurs activités. Par ailleurs, notre étude indique
également une différenciation de l'impact de la migration sur la rémunération du travail
selon le sexe. Alors que chez les femmes l'expérience migratoire ne semble pas jouer de
rôle significatif quelle que soit la provenance, chez les hommes en revanche, l'expérience
migratoire a bien plus d'influence sur la rémunération du travail.
Introduction
d’origine en y r investissant ou transf rant une
partie des revenus gagn s l’ tranger. Les
Aujourd’hui, le ph nom ne migratoire a pris de
transferts d’argent des migrants vers les pays en
l’ampleur et s’est d velopp aussi bien dans ses
voie de développement ont poursuivi leur hausse,
dimensions nationales qu'internationales. Ainsi, on
malgré la conjoncture économique. Selon une
dénombrait sur la planète plus de 230 millions de
prévision de la Banque Mondiale, ils devraient
migrants en 2013 soit 3,2 % de la population
connaître une croissance de 6,3 % en 2013, pour
mondiale et leur nombre a augmenté de 1,5 fois en
s'établir à 414 milliards de dollars (Banque
presque 25 ans (Nations Unies, 2013). Ces
Mondiale, 2013).
statistiques sont à mettre en relation avec le
Le Mali est aussi un pays marqu par d’importants
rendement économique de la migration et le rôle
mouvements migratoires sur le plan international.
que ce phénomène joue dans la vie des pays en
De par sa situation g opolitique et strat gique, c’est
développement. En effet, les migrants interviennent
un pays de départ, de transit par excellence et de
dans la vie socio-économique de leurs pays
destination. Cette trilogie place le pays au c‫ur de
1 Issa Bouare est statisticien, cadre à l’INSTAT Mali ; Mathias Kuepié est démographe, chercheur au LISER
(Luxembourg) ; Anne-Sophie Robilliard est économiste, chercheure à DIAL (IRD et Université Paris-
Dauphine) ; Arouna Sougane est statisticien, cadre à l’INSTAT Mali.


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la question migratoire et fait de son territoire un
des migrants de retour sur le marché du travail
espace exposé aux effets, aussi bien positifs que
examinent, par exemple, dans quelle mesure ces
n gatifs, du ph nom ne. L’origine de la tradition
derniers parviennent à mettre en application chez
migratoire au Mali remonte à un récit fondateur qui
eux ce qu'ils ont appris à l'étranger, en comparant
met l’accent sur les facteurs r pulsifs (ou push) de
les salaires des migrants de retour à ceux de leurs
la migration. En effet, d’apr s la tradition orale, les
concitoyens non migrants (voir notamment
migrations au Ouagadou (actuel Mali) seraient
Enchautegui, 1993 ; Co, Gang et Myesong-Su,
parties d’une mal diction ayant engendr une
2000 ; de Coulon et Piracha, 2005).
grande sécheresse suite à la mort de son génie
L’analyse de cette question est rendue compliquée
protecteur. Le pays, plongé dans une disette sans
par le fait qu’une comparaison simple des non
précédent, ses habitants, les Sarakollés (ou
migrants et des migrants de retour ignore les effets
Soninké), se sont dispersés dans le monde à la
de s lection. On parle d’effet de s lection lorsque
recherche d’un mieux-être (Traoré, 2012).
les individus étudiés présentent des caractéristiques
Plusieurs travaux ont tenté de mesurer les effets de
différentes de celles qu'auraient des individus tirés
la migration sur la situation des individus restés sur
au hasard au sein d'une population donnée.
place. Le devenir des individus au retour d’une
S'agissant des migrants (et des migrants de retour),
expérience
migratoire constitue une autre
la présence d'une auto-sélection est généralement
dimension à travers laquelle la migration peut
démontrée (voir notamment Borjas et Bratsberg,
affecter la communauté de départ. Cette question
1996). Le processus de sélection est dit positif si les
qui est peu étudiée dans le cas du Mali, est abordée
migrants qui prennent la décision de migrer (ou de
dans le présent article. La caractérisation des
rentrer dans le cas des migrants de retour) sont par
migrants de retour et de leur position sur le marché
exemple plus aptes ou plus motivés en moyenne
de travail est encore incompl te. L’objectif de cet
que ceux qui ne migrent pas. A contrario, la
article est de pallier ces insuffisances en mobilisant
sélection est négative si les migrants sont moins
les données de l'Enquête Modulaire et Permanente
aptes ou moins motivés en moyenne que ceux qui
auprès des Ménages (EMOP) de 2011 pour analyser
ne migrent pas. Ignorer ce phénomène d'auto-
l’insertion des migrants de retour sur le march du
sélection des migrants et des migrants de retour
travail. La question est notamment de savoir si
peut conduire à une estimation biaisée de la prime
l'expérience migratoire constitue un atout ou un
salariale attribuable à l'expérience acquise à
frein à l'insertion sur le marché du travail.
l'étranger. Dans le cas de la migration de retour,
cette sélection a pu jouer à deux étapes : au moment
Cet article comporte quatre sections. Nous
de la décision de migrer puis au moment de la
pr sentons tout d’abord une br ve revue de la
décision de revenir. Il importe donc de prendre en
littérature sur le sujet (section 1), les données, la
compte ces effets de sélection, au minimum ceux
méthodologie et les modèles économétriques sont
liés à des caractéristiques observables, et, au mieux,
développés dans la section 2. Les statistiques
ceux
également
liés
aux
caractéristiques
descriptives sont présentées dans la section 3
inobservables, afin d’isoler, autant que faire se peut,
pendant
que
les
principaux
résultats
l’effet propre de la migration des effets de
économétriques sont commentés dans la dernière
sélection. Si on se limite aux migrants de retour qui
section.
nous intéressent au premier chef dans cette étude,
les recherches empiriques visant à déterminer dans
Revue de littérature
quel sens va la sélection aboutissent à des résultats
mitigés. Pendant que certaines montrent que les
La contribution des migrants au développement de
migrants de retours sont plutôt les plus éduqués qui
leurs pays d’origine r sulte de la combinaison des
ont le plus souvent tendance à rentrer (Nekby,
ressources qu’ils transf rent avant et au moment de
2006; Jensen and Pedersen(2007)), d'autres arrivent
leur retour (capital humain, financier et social) et du
à la conclusion inverse (Dustmann, 2003).
rendement de celles-ci. Dans la littérature
En ce qui concerne plus spécifiquement le
économique, les études réalisées sur la question des
rendement de l'expérience migratoire sur le marché
migrations de retour ont cherché à mesurer les
du travail du pays d'origine, des résultats contrastés
avantages sur le march de l’emploi acquis par les
émergent également des études empiriques. A partir
migrants de retour du fait de leur expérience
de données collectées en 1980 auprès d'un
migratoire. Il s’agit notamment de traiter la
échantillon de migrants portoricains rentrés des
question en regardant dans quelle mesure les
Etats-Unis au cours des années 1970, Enchautegui
migrants de retour occupent un statut dans l’emploi
(1993) trouve que l'exp rience l' tranger n’a pas
plus favorable, b n ficient d’une prime salariale
d’impact sur les salaires et n'apparaît donc ni
lorsqu’ils occupent un emploi salari ou d’une
valorisée, ni pénalisée. L'explication privilégiée par
productivit sup rieure lorsqu’ils s’ tablissent à
l'auteur est que les migrants portoricains occupent
leur compte par rapport aux non migrants. Les
des emplois peu qualifiés ne permettant pas
travaux empiriques qui portent sur les performances
STATECO N°109, 2015

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l'accumulation de capital humain. A l'inverse, à
industriel en milieu rural où les infrastructures sont
partir d'un large panel de ménages hongrois, Co et
défaillantes. En milieu urbain où l'accès à l'emploi
al. (2000) trouvent que l'expérience migratoire n'est
se fait bien souvent via des réseaux informels, les
pas neutre et que les migrants de retour bénéficient
migrants peuvent en outre être pénalisés dans leur
d'une prime salariale sur le marché du travail. Leurs
recherche d'emploi s'ils ne sont pas parvenus à
résultats suggèrent en outre que cette prime est plus
conserver des liens suffisamment forts avec leurs
élevée pour les femmes que pour les hommes et
réseaux pendant qu'ils séjournaient à l'étranger.
qu'elle varie selon le pays dans lequel le séjour en
migration a été effectué. Ainsi, à caractéristiques
En exploitant les données des enquêtes 1-2-3 du
projet PARSTAT sur 7 capitales économiques
identiques, les femmes ayant séjourné dans un pays
d’Afrique de l’Ouest, De Vreyer et al. (2010)
de l'OCDE touchent à leur retour une rémunération
trouvent en moyenne que la participation des
plus élevée de 67 % en moyenne que celle versée à
migrants de retour sur le marché du travail urbain
leurs homologues sans expérience migratoire, alors
est plus élevée que celle des non migrants. Ce
que celles de retour d'un pays situé hors de l'OCDE
ne bénéficient d'aucune prime salariale. Un résultat
résultat recouvre néanmoins de fortes disparités
selon le pays de destination de la migration. En
similaire a aussi été mis en évidence par de Coulon
particulier, la participation des migrants de retour
et Piracha (2005) à partir de l'analyse des données
d’un pays de l’OCDE au march du travail est
albanaises. Ils trouvent que, à caractéristiques
systématiquement plus élevée que celle des non
gales, les migrants de retour b n ficient d’une
migrants. L’ tude sugg re galement que la forte
prime salariale par rapport aux non migrants. Ils
montrent en outre que les migrants sont
participation des migrants de retour ayant résidé
dans un pays de l’OCDE dans le secteur formel
négativement sélectionnés par rapport aux non
(priv ou public) s’explique par leur niveau
migrants. En d'autres termes, si les migrants de
d’ ducation lev , mais peut galement tre le signe
retour avaient fait le choix de ne pas migrer, leurs
que le s jour l’ tranger leur a permis d’acqu rir
performances sur le marché du travail albanais
auraient été moins bonnes en moyenne que celles
des compétences spécifiques qui sont valorisées
dans le secteur formel. Les résultats des analyses
enregistrées par les non-migrants. Plus récemment,
montrent qu’ part l’ ge et le sexe, les migrants de
toujours sur des données albanaises, Piracha et
retour d’un pays de l’UEMOA ont des
Vadean (2010) ont exploré l'impact de la migration
caract ristiques individuelles et d’insertion sur le
de retour sur l'économie albanaise en analysant le
marché du travail qui sont proches de celles des
choix professionnel des migrants de retour en
différenciant explicitement l'auto-emploi entre
non-migrants. En revanche, les migrants de retour
d’un pays de l’OCDE sont significativement plus
travail à son compte et entrepreneuriat. Les auteurs
éduqués, plus actifs et plus riches que les non-
constatent que les travailleurs pour compte propre
migrants. En termes de gains, les résultats
ont des caractéristiques plus proches des non-
sugg rent que l’exp rience migratoire se traduit par
participants dans le marché du travail (c.-à-d. faible
une prime substantielle pour les migrants de retour
niveau d'instruction), tandis que l’entrepreneuriat
est positivement lié à la scolarisation, la maîtrise
d’un pays de l’OCDE mais pas pour les autres
migrants.
des langues étrangères et l'épargne accumulée à
l'étranger. En outre, par rapport aux non migrants,
Dans le cas de Dakar, Mezger, Kveder et Flahaux
les migrants de retour sont beaucoup plus
(2013) appliquent des méthodes mixtes pour
susceptibles d'être des entrepreneurs, montrant
examiner la situation professionnelle des migrants
l'impact positif de la migration sur les activités
de retour et des non migrants sénégalais à Dakar et
créatrices d'emplois en Albanie.
explorer le rôle d’exp riences diff renci es de
migration dans les trajectoires professionnelles.
Quelques études quantitatives du même type ont
L'analyse utilise des données quantitatives de
porté sur des migrants de retour africains. Un
l'enquête MAFE-Sénégal (2008) et des entretiens
travail mené par Brydon (1992) sur des migrantes
semi-structurés qualitatifs avec des migrants de
ghanéennes conclut à un impact négligeable en
raison du très faible niveau de qualification des
retour. Alors que les rapatriés ne semblent pas
abandonner le marché du travail, ils sont
emplois occupés par la plupart de ces femmes lors
surreprésentés parmi les travailleurs indépendants.
de leur séjour en migration. En pratique, même les
L'auto-emploi n’est cependant pas n cessairement
migrants ayant acquis de l'expérience et de
associé à des expériences migratoires positives :
nouvelles compétences lors de leur séjour en
plutôt qu'un choix, il apparaît souvent comme un
migration ne réussissent pas toujours à en tirer
profit lors de leur retour, notamment ceux
« dernier recours pour les personnes qui n’ taient
pas en mesure d'accumuler du capital ou de
originaires du milieu rural qui font le choix de s'y
préparer leur retour.
réinstaller (la majorité des migrants originaires du
Mali sont dans cette situation). Il est en effet
difficile de mettre en application des compétences
techniques acquises par exemple dans le secteur
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Données et méthodes
territoire national, on parle de migrant international
de retour. Il est appelé migrant interne de retour
Description des données
quand le changement de résidence s'est fait à
l'intérieur du territoire. Etant donnée l'absence
Les données utilisées dans cet article sont issues de
d'information sur le lieu de naissance des membres
l'Enquête Modulaire et Permanente auprès des
des ménages, il n'a pas été possible d'identifier cette
ménages (EMOP) réalisée en 2011 par l'Institut
catégorie de migrant de retour. L'étude porte donc
National de la Statistique (INSTAT). L’EMOP est
essentiellement sur les migrants internationaux de
un dispositif d'enquête visant la production
retour.
régulière et permanente des données sur la situation
Nos principales variables d'intérêt sont le statut
socioéconomique des ménages et des individus.
professionnel, le secteur d'activité, le revenu et les
C’est une enqu te nationale dont les r sultats sont
différentes caractéristiques sociodémographiques
représentatifs au niveau national, par région
comme l'âge, le sexe, le statut matrimonial et le
administrative et par milieu de résidence (urbain et
niveau d'instruction. Les informations relatives à la
rural). Elle est r alis e aupr s d’un chantillon de
profession sont obtenues à partir d'une section qui
7 200 ménages tirés selon un plan de sondage
renseigne les questions classiques sur l'emploi.
stratifié à deux degrés (INSTAT, 2011). Elle
Elles permettent de classer les adultes suivant leur
comprend quatre passages de trois mois chacun. Le
situation dans l'emploi et d'identifier le secteur
questionnaire de l’enqu te comporte un module de
d'activité de ceux qui exercent un emploi au
base
qui
traite
des
caractéristiques
moment de l'enquête.
sociodémographiques et économiques des individus
et des ménages afin de fournir les indicateurs
Toutes ces informations sont collectées au cours
n cessaires au suivi de la mise en ‫uvre du Cadre
des différents passages de l'EMOP. Le statut
Stratégique pour la Croissance et la Réduction de la
professionnel (ou situation dans l'emploi) est obtenu
Pauvreté (CSCRP) et des Objectifs du Millénaire
lors du troisième passage en combinant un certain
pour le Développement (OMD).
nombre de questions permettant de distinguer les
chômeurs, les inactifs et les actifs occupés. La
Un (ou plusieurs) module(s) supplémentaire(s)
détermination des revenus est très difficile lors des
peut(vent) être inséré(s) à la demande des
enquêtes auprès des ménages dans les pays en
utilisateurs de données statistiques ou pour tenir
développement comme le Mali. Dans le cadre de
compte des besoins spécifiques nés à un moment
l'EMOP, il est déterminé de façon directe à travers
donné. C'est dans ce cadre que l'Institut de
la question suivante : Combien avez-vous gagné le
Recherche pour le Développement (IRD), à travers
dernier mois dans votre emploi principal ? Pour les
l'Unité Mixte de Recherche DIAL, a collaboré avec
agriculteurs, on estime la valeur de sa production à
l'INSTAT pour introduire un module détaillé sur la
laquelle on retranche les différentes dépenses
migration au deuxième passage de l'enquête en
d'intrants. Le montant obtenu est divisé par douze
20111. La collecte s'est déroulée du 1er juillet au 30
pour obtenir le revenu mensuel.
septembre 2011. A l'issue du traitement des
données, la base comprend 77 246 enregistrements
Méthodologie
d'individus membres de 6 912 ménages résidant
dans 1 200 sections d'énumération.
Nous analysons dans cette section l'impact de la
migration de retour, d'une part sur l'orientation
En plus des informations sur les membres des
sectorielle sur le marché du travail et, d'autre part,
ménages qui résident en dehors de la localité depuis
sur le niveau des revenus d'activité. Pour chacun de
plus de six mois (émigrants), l'enquête s'est
ces objectifs, nous mobilisons un certain nombre de
intéressée à l'expérience migratoire des membres
méthodes économétriques. Comme indiqué dans la
présents au moment de la collecte. Ceci a permis de
section précédente, la sélection des migrants de
dénombrer aussi bien les immigrants (internes ou
retour aux deux étapes clés que constituent les
internationaux) que les migrants internationaux de
décisions de départ puis de retour pose un certain
retour. On entend par migrant de retour, un individu
nombre de problèmes méthodologiques. Il est en
ayant effectué au moins un séjour de plus de six
effet probable que les individus qui sont partis en
mois en dehors de sa localité de résidence mais qui
migration puis revenus dans leur pays d’origine
y réside au moment de l'enquête. Lorsque le
aient
des
caractéristiques
observables
et
déplacement s'est effectué en dehors des limites du
inobservables différentes des individus non

migrants. Dans ce travail, le problème de la
1 Depuis l'Enquête Malienne sur les Migrations et
sélection est traité du point de vue des
l'Urbanisation (EMMU) en 1996, cette opération est la
caractéristiques observables disponibles dans la
première du genre à collecter des informations détaillées
base de données, dont le niveau d'éducation. La
sur la migration au sein des ménages au Mali. L'auteur,
prise en compte des caractéristiques inobservables
en tant que cadre de l'INSTAT, a activement participé à
(motivation et autres capacités non mesurables)
la conception et à la supervision de l'opération sur le
supposerait de pouvoir disposer d’instruments
terrain ainsi qu'au traitement des données.
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adéquats permettant de contrôler les biais
revenus d'activité est effectuée ici conjointement à
potentiels. Les données disponibles ne permettent
l'orientation sectorielle : posons, comme ci-dessus,
malheureusement pas de disposer de tels
que :
instruments pour traiter cette dimension du
S*ij = j’Mi+βj’Xi + ij
problème de manière suffisamment convaincante.
Les méthodes mobilisées permettent en revanche de
et
traiter le problème concomitant de sélection dans
l’activit (ou dans le secteur) dans l’estimation des
Yij = j’Mi + ζj’Zi + ηij
revenus.
Yij indique le revenu obtenu par l’individu i en
Analyse de l'orientation sectorielle
travaillant dans le secteur j, avec j = 1 (agricole), 2
(informel non agricole), 3 (privé formel) ou 4
Posons Sj les différents secteurs d'activité : S0 =
(public). Zi est le vecteur des caractéristiques
sans emploi, S1 = secteur agricole, S2 = secteur
observables de l’individu, pouvant tre ou non
informel non agricole, S3 = secteur privé formel, S4
identique à Xi; Mi est défini comme ci-dessus, j et
= secteur public. Sj peut être considéré comme une
ζj les param tres estimer et ηij un terme d’erreur.
réalisation d'un ensemble S*j de variables continues
Or Yij n’est observ que si le secteur j est choisi et,
latentes, qui mesure la capacité à s'orienter vers le
par cons quent, ηj et j ont des chances d' tre
secteur Sj.
dépendants. Si c'est le cas, les estimateurs obtenus
par les moindres carrés ordinaires (MCO) seront
Pour chaque individu i, supposons que la capacité à
biaisés.
intégrer le secteur Sj est linéairement liée à ses
caractéristiques : S*ij = j'Mi + βj’Xi + ij où Mi
Afin de corriger le biais dû à la sélection dans un
est le vecteur des variables décrivant la migration
secteur plutôt qu'un autre, plusieurs méthodes
de retour (statut migratoire et provenance) et Xi est
peuvent être mobilisées. Toutes ces méthodes, qui
un vecteur des variables de contrôle, j et βj sont
dérivent de la correction d'Heckman utilisée quand
des param tres estimer et ij un terme d’erreur
on considère uniquement une seule possibilité
aléatoire. La probabilit pour l’individu i d'int grer
d'auto sélection (par exemple, être employé plutôt
le secteur Sj est égale à la probabilité que la
qu'inoccupé) consistent à utiliser les estimations de
fonction de propension pour le secteur Sj de cet
l'équation d'orientation sectorielle pour calculer des
individu soit supérieure à celle associée aux autres
termes de corrections λij partir de la probabilit
secteurs :
attendue que l’individu i travaille dans le secteur j.
Ces facteurs de correction sont ensuite introduits
Prob(S*ij> S*ik) quel que soit k ≠ j ; k = 0, 1, 2, 3
dans l’ quation de revenu pour chaque secteur j et
En remplaçant S*ij et S*ik par leurs expressions, on
permettent d'obtenir des estimateurs convergents
obtient :
des j et ζj partir des MCO.
Prob( j’Mi + βj’Xi + ij> k’Mi + βk’Xi + ik) =
Il existe plusieurs méthodes permettant de calculer
Prob[( j’Mi + βj’Xi) - ( k’Mi + βk’Xi ) > ik - ij]
les λij. Nous pouvons notamment citer la méthode
avec k ≠ j
de Lee (1982) celle de Dahl (2002) et enfin celle de
Durbin-McFadden (1984). La méthode de
La forme de l’ quation de participation d pendra de
correction de Lee, qui est la première à avoir été
l’hypoth se adopt e concernant la distribution des
développée, impose de fortes restrictions sur les
termes d’erreur. Si nous supposons que les erreurs
distributions conjointes des termes d’erreur dans les
sont indépendantes et identiquement distribuées
quations d’int r t (Vijverberg, 1993 ; Dahl, 2002 ;
selon une distribution de Weibull, alors la
Bourguignon, Fournier et Gurgand, 2007). Les
différence entre les erreurs suit une distribution
deux autres méthodes plus récentes sont plus
logistique et la probabilit que l’individu i choisisse
flexibles. En outre, celle de Durbin-McFadden
le secteur Sj peut s'écrire :
permet d'estimer les corrélations entre les termes
Prob(Sij = sj) = exp( j’Mi + βj’Xi ) / Σkexp( k’Mi
d'erreurs, ce qui facilite l'interprétation des
+ βk’Xi) avec k variant de 0 4
sélections. Aussi, dans le cadre de cette étude, nous
avons utilisé une version de cette méthode,
Afin de rendre le modèle identifiable, il faut
améliorée par Bourguignon, Fournier et Gurgand
contraindre les coefficients d'une des alternatives à
(2007). Une fois les équations estimées, les tests de
zéro (catégorie de référence). Les autres
la significativit des coefficients associ s aux λij
coefficients, estimés en général par la méthode du
permettent de juger de la nécessité des corrections.
maximum de vraisemblance, représentent alors des
Comme nous le verrons dans l'interprétation des
effets relatifs par rapport à la modalité choisie
résultats, dans notre cas, les sélections ne peuvent
comme référence.
en général pas être ignorées.
Analyse de l'impact de la migration sur des
Une fois le type de méthode choisi, il importe de
revenus
choisir
avec
discernement
les
variables
La modélisation de l'impact des migrations sur les
d’identification,
c’est-à-dire
des
variables
STATECO N°109, 2015

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explicatives supplémentaires dans les équations
15 ans ou plus, sont revenus de Côte d’Ivoire ce qui
d'orientation sectorielles qui seront omises dans
refl te l’intensité des mouvements migratoires du
celles des revenus d'activité. Idéalement, les
Mali vers ce pays. A l’inverse, avec 0,4%, les
variables d'identification doivent être fortement
migrants de retour d’un pays d’Europe ou
corrélées au choix sectoriel, mais ne pas avoir, en
d’Am rique repr sentent une tr s faible part de la
elles-mêmes, un effet propre sur les équations
population.
d'intérêt, c'est à dire ici ceux des revenus d'activités.
La r partition spatiale des migrants n’apparaît pas
Dans cette étude, nous avons utilisé les indicatrices
de l'état matrimonial ainsi que celles du lien de
uniforme selon les origines. Ainsi, les migrants de
retour d’Afrique (Côte d’Ivoire, CEDEAO et autre)
parenté avec le chef de ménage. Comme nous le
sont plus concentrés en milieu rural par rapport aux
montrons, ces variables jouent un rôle important
non migrants, tandis que les migrants de retour hors
dans l'orientation sectorielle. Quant à la seconde
Afrique (Europe/Amérique et reste du monde) sont
condition, elle ne peut pas être empiriquement
plus concentrés à Bamako. Au niveau régional, les
testée mais l'idée ici est que, si l'état matrimonial et
le lien de parenté avec le chef de ménage jouent sur
migrants de retour de Côte d’Ivoire sont
particulièrement présents dans les régions de
les choix d'activité et du secteur, une fois cette
Sikasso et de Mopti. L'importance de la "colonie
étape franchie, elles n'ont plus d'effet direct sur la
ivoirienne" à Sikasso s'expliquerait surtout par
productivité (et donc sur les revenus journaliers).
l'histoire migratoire dans cette région. Elle était
particulièrement dirigée vers ce pays du fait de la
Statistiques descriptives
proximité géographique et des opportunités offertes
par le port maritime et les plantations des cultures
Répartition spatiale des 15 ans ou plus
de rente comme le café et le cacao. Les migrants de
suivant leur statut migratoire
retour d’un pays de la CEDEAO se trouvent plus
concentrés dans les régions de Kayes, de Mopti et
En 2011, la population malienne âgée de 15 ans ou
de Gao, tandis que les migrants de retour d’un autre
plus était estimée à plus de huit millions de
pays Afrique sont plus nombreux dans la région de
personnes parmi lesquelles 10,2% ont vécu, au
Kayes. Pour les migrants d’Europe/Am rique, en
moins une fois, à l'étranger pendant plus de six
dehors de Bamako, c’est dans la r gion de Sikasso
mois et 2,0% sont nées à l'extérieur du pays
qu’ils sont les plus nombreux puisqu’ils sont pr s
(Tableau 1). Plus de la moitié des migrants de
de 40% à résider (contre 37% à Bamako).
retour, soit 6% de la population malienne âgée de
Tableau 1:
Répartition spatiale selon le statut migratoire


Migrant de retour


Région
Non
Côte
Autre
Europe /
Reste du

à
CEDEAO
Total
Migrant
d'Ivoire
Afrique
Amérique
Monde
l'Etranger
39
Observations
34 395
2 333
937
696
151
85
639
236
Effectifs (en milliers) 7 138
488
162
126
33
20
164
8 132
Distribution
87,8
6,0
2,0
1,5
0,4
0,3
2,0
100,0
Région








Kayes
14,1
7,1
22,5
27,9
39,6
5,9
10,7
14,1
Koulikoro
16,4
7,8
6,5
14,6
10,6
2,1
15,3
15,6
Sikasso
15,7
36,2
7,2
12,3
1,9
23,9
26,0
16,9
Ségou
15,7
15,3
9,7
10,2
5,4
4,8
12,9
15,4
Mopti
12,9
25,0
21,2
6,8
2,3
21,3
11,2
13,7
Tombouctou
5,9
2,9
7,8
4,3
1,4
3,0
0,7
5,6
Gao
3,9
0,7
20,3
8,8
1,7
2,0
3,5
4,1
Kidal
0,5
0,1
0,2
2,2
0,0
0,0
0,1
0,5
Bamako
15,0
5,0
4,7
12,9
37,1
37,0
19,6
14,4

100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
Milieu de résidence







Bamako
15,0
5,0
4,7
12,9
37,1
37,0
19,6
14,4
Autre urbain
9,8
9,3
11,1
11,9
5,0
7,6
6,6
9,7
Rural
75,3
85,7
84,2
75,2
57,9
55,4
73,8
75,9

100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
Source: INSTAT, EMOP 2011, nos calculs.

A l'exception de Kayes et de Bamako, la proportion
africain dépasse 90% de l'ensemble des personnes
de migrants de retour en provenance d'un pays
ayant résidé à l'extérieur dans toutes les régions.
STATECO N°109, 2015

73

Elle atteint même 100% dans la région de Kidal où
certaines caractéristiques observables ou non
la migration est principalement orientée vers les
observables, les gains espérés et les coûts
pays d'Afrique du Nord, comme l'Algérie et la
d'opportunité du choix d'un lieu de résidence. Nous
Libye.
nous attendons à des différences significatives des
caractéristiques moyennes des migrants de retour
Caractéristiques individuelles et statut
par rapport aux non migrants. Les données
migratoire
montrent l'existence de différences significatives,
Dans cette section, nous nous intéressons aux
non seulement entre les migrants de retour et les
principales caractéristiques des individus de 15 ans
non migrants mais aussi entre les migrants de retour
ou plus selon leur statut migratoire. Les migrants et
selon leur lieu de séjour. Le tableau 2 donne la
les migrants de retour sont présentés dans la
répartition des individus de 15 ans ou plus selon le
littérature comme des individus auto-sélectionnés
statut migratoire et certaines caractéristiques
qui décident de migrer puis, le cas échéant, de
comme l'âge, le sexe, le niveau d'instruction et le
retourner après avoir comparé, en tenant compte de
statut matrimonial.
Tableau 2:
Caractéristiques individuelles selon le statut migratoire


Migrant de retour


Non
Côte
Autre
Europe /
Reste du
Né à
Région
CEDEAO
Ensemble
Migrant
d'Ivoire
Afrique
Amérique
Monde
l'étranger
Pourcentage d’hommes
44,8
74,2
71,3
75,8
76,4
64,6
41,4
47,7
Age moyen
34
44
46
44
51
46
31
35
Répartition (%) selon le groupe d'âges






15-24 ans
38,0
8,5
8,0
9,6
6,2
8,0
38,3
35,0
25-34 ans
24,3
20,4
19,2
23,9
7,3
21,0
30,9
24,0
35-44 ans
15,1
23,5
24,4
22,1
22,7
13,3
14,6
15,9
45-54 ans
9,7
21,5
18,4
17,9
21,3
27,3
8,5
10,8
55-44 ans
6,3
15,1
13,5
13,2
18,4
18,2
4,8
7,1
65 ans et plus
6,7
11,2
16,5
13,2
24,1
12,2
2,9
7,2
Niveau d'instruction
Nombre moyen d'années d'études
2,9
1,3
1,6
2,9
5,4
3,7
3,4
2,8
Répartition (%) selon le niveau d'instruction






Sans niveau
62,1
78,4
74,1
58,8
49,8
55,0
55,4
63,1
Fondamental 1
15,9
14,0
15,7
22,5
9,9
16,6
18,8
15,9
Fondamental 2
10,5
3,9
5,2
8,9
9,5
7,2
12,1
10,0
Secondaire
6,6
1,7
1,8
2,8
8,8
9,6
7,1
6,2
Supérieur
5,0
2,1
3,2
7,0
22,1
11,6
6,6
4,9
Situation Matrimoniale
Marié
58,7
86,1
84,0
83,8
89,1
77,9
66,5
61,5
Célibataire
34,5
8,6
8,7
11,0
5,8
16,3
29,6
31,8
Divorcé-veuf
6,8
5,3
7,3
5,2
5,2
5,9
3,9
6,7
Source: INSTAT, EMOP 2011, nos calculs.

Comme l'ensemble de la population malienne1, les
lieu de séjour, les femmes représentent au plus un
individus âgés de 15 ans ou plus sont
tiers de la population ayant résidé au moins une fois
majoritairement composés de femmes avec 52,4%.
à l'extérieur du pays.
La relation entre statut migratoire et genre semble
L'âge moyen de la population étudiée est estimé à
contradictoire suivant la zone d'étude. Dumont et
35 ans. Par rapport aux non migrants, les migrants
Spielvogel (2008) ne trouvent pas de différence
de retour ont un âge moyen supérieur de 9 ans. Les
significative selon le genre dans les pays européens
personnes nées à l'extérieur ont un âge moyen
tandis que leurs estimations réalisées aux Etats-
inférieur de quatre ans par rapport aux non
Unis indiquent des disparités entre hommes et
migrants. Les différences observées sont également
femmes par rapport à la migration. Nos données
fortes entre migrants de retour provenant d'un pays
montrent que les émigrés et les migrants de retour
africain et ceux provenant du reste du monde,
sont majoritairement des hommes. Quel que soit le
surtout les pays d'Europe et d'Amérique. Ces

derniers ont un âge moyen supérieur de 5 à 7 ans
1 Cf. Recensement Général de la Population et de
par rapport à leurs homologues revenus d'Afrique.
l'Habitat (RGPH), INSTAT
Ces résultats se comprennent aisément dans la
STATECO N°109, 2015

74
mesure où la population étudiée comprend à la fois
retour comparativement aux non migrants et aux
les non migrants et les futurs migrants. Près de deux
personnes n es l' tranger, ce qui peut s’expliquer
tiers des non migrants ont entre 15 et 34 ans tandis
par l’ cart d’ ge entre ces populations. A l'inverse,
que cette tranche d'âges ne dépasse guère le tiers
le pourcentage de célibataires est plus important
parmi les migrants de retour quel que soit le lieu de
dans les groupes de non migrants (34,5%) et des
séjour.
individus nés à l'extérieur (29,6%).
En appr hendant l’acquisition du capital humain
Situation dans l’emploi des migrants de
par le biais de l’instruction, nous relevons que les
retour
migrants de retour pris ensemble ont un nombre
moyen d'années d'instruction inférieur à celui des
Les caractéristiques des migrants de retour (tableau
non migrants (2,1 contre 2,9 années). Ce faible
2), notamment en termes d'éducation et d'âge,
niveau d'instruction des migrants de retour est
présagent d'une situation dans l'emploi meilleure
surtout tiré par ceux revenant d'un autre pays
que celle des non migrants. Les données semblent
africain, particulièrement de la Côte d'Ivoire dont
confirmer cette intuition car la proportion des
plus des trois quarts sont non scolarisés. A
individus "actifs occupés" est plus élevée dans la
contrario, les migrants de retour en provenance des
population des migrants de retour comparativement
pays d'Europe ou d'Amérique ont un nombre moyen
à celle des non migrants (tableau 3). On note,
d'années d'études deux fois supérieur à celui des
cependant, des disparités très importantes en
non migrants. Ces résultats sont conformes avec
fonction des pays ou de la zone de provenance.
ceux obtenus par De Vreyer et al. (2010) qui, en
Ainsi, les migrants de retour des pays africains,
utilisant les données des enquêtes 1-2-3 en Afrique
surtout de la Côte d'Ivoire ou d'un autre pays de la
de l'Ouest, ont montré qu'il existe des différences
CEDEAO, sont plus actifs sur le marché du travail
importantes entre les migrants provenant d’un pays
que ceux venant d'Europe, d'Amérique ou du reste
de l’OCDE, ceux provenant d’un pays d’Afrique de
du monde. Dans ces derniers cas, la situation dans
l’Ouest et ceux provenant d’un autre pays.
l'emploi est moins favorable du point de vue de la
participation que celle des non migrants.
Dans l’ensemble, la grande majorit (61,5%) de la
population concernée est mariée. Cette proportion
est largement plus élevée au sein des migrants de
Tableau 3:
Répartition de la population de 15 ans et plus suivant le statut migratoire et la situation dans l'emploi


Migrants de retour


Non
Côte
Autre
Europe /
Reste du
Né à
Secteur d'activité
CEDEAO
Total
Migrant
d'Ivoire
Afrique
Amérique
Monde
l'étranger
Sans activité
38,0
15,2
23,8
26,7
44,3
37,4
37,6
36,2
Agriculteur
34,0
61,6
49,9
37,2
22,4
24,9
22,8
35,7
Informel non agricole
23,2
20,7
20,4
29,1
14,3
29,2
33,7
23,3
Formel privé
1,5
1,0
2,6
1,8
6,1
0,7
2,2
1,5
Formel public
3,3
1,5
3,3
5,2
13,0
7,9
3,7
3,3
Total
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
Source : INSTAT, EMOP 2011, nos calculs.

Le marché du travail malien reste dominé par le
cinq travaille dans le secteur formel privé ou public
secteur informel. En effet, neuf actifs occupés sur
contre seulement 4,8 % pour les non migrants. Ces
dix exercent leur activité principale dans ce secteur.
résultats confirment ceux obtenus par De Vreyer et
En moyenne, les migrants de retour sont plus
al. (2010) qui montrent que la participation sur le
souvent employés dans le secteur formel
marché du travail secteur formel des migrants de
comparativement aux non migrants. A ce niveau
retour d'un pays de l'OCDE est plus élevée que
également des disparités existent. Les migrants de
celle les non migrants.
retour en provenance des pays africains, notamment
de la Côte d'Ivoire, sont moins présents dans le
Résultats de l’analyse multivariée
secteur formel. Leur participation dans ce secteur
est nettement moins élevée que celle des non
Allocation sectorielle
migrants. A contrario, en se concentrant sur les
migrants de retour en provenance d'Europe et
Comme précisé dans la partie méthodologique,
d'Amérique, leur présence dans le secteur formel est
nous avons estimé des modèles de régression
nettement plus élevée que celle des non migrants :
multinomiale permettant de mesurer l'influence du
un migrant de retour d'Europe ou d'Amérique sur
statut migratoire sur l'insertion dans le marché du
STATECO N°109, 2015

75

travail. L'insertion est mesurée à travers cinq
provenance), de l'éducation, du sexe, de l'âge et du
modalités : ne travaille pas (0), travaille dans le
milieu de résidence, un certain nombre de variables
secteur agricole (1), travaille dans le secteur
de contrôle (région de résidence au Mali, religion,
informel non agricole (2), travaille dans le secteur
lien de parenté avec le chef de ménage, statut
formel privé (3) travaille dans le secteur formel
matrimonial) sont également pris en compte dans
public (4). En plus des variables saisissant la
les régressions.
migration de retour (statut migratoire et pays de
Tableau 4 :
Régression logistique multinomiale de l'impact du statut migratoire sur le choix d’allocation sectorielle
(ref=sans activité), ensemble des sexes

(2) Informel non

(1) Agricole
(3) Formel privé
(4) Formel public
agricole
Migrant de retour
0,248***
-0,080
0,003
-0,162

(4,78)
(-1,33)
-0,020
(-1,33)
Féminin
-1,256***
-0,545***
-1,572***
-0,789***

(-32,24)
(-12,87)
(-8,98)
(-7,22)
Age
0,102***
0,151***
0,230***
0,296***

(23,05)
(26,86)
(9,4)
(16,8)
Age2
-0,00130***
-0,00184***
-0,00288***
-0,00347***

(-27,61)
(-29,27)
(-10,04)
(-16,77)
Année d'éducation
-0,288***
-0,0925***
0,0544***
0,203***

(-55,14)
(-21,54)
(5,1)
(26,08)
Urbain
-0,150***
0,0622*
-0,060
0,223***

(-4,97)
(1,75)
(-0,43)
(2,69)
Constante
0,227
-1,921*y**
-7,407***
-8,082***

(1,43)
(-10,30)
(-9,38)
(-16,54)
Observations
39 009
Standard errors in parentheses.*** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1
Note : Le modèle inclut comme autres variables de contrôle : la région de résidence, la religion, des indicatrices concernant
le statut marital, des indicatrices concernant le lien avec le chef de ménage.

Les résultats des estimations présentés dans le
Dans une seconde spécification, nous tenons
tableau 4 indiquent que les migrants de retour sont
compte du pays de provenance des migrants de
plus souvent en activité dans le secteur agricole que
retour (Tableau 5). Il en ressort que les migrants
les non migrants lorsque sont pris en compte un
venant de la Côte d'Ivoire et d’un autre pays de la
certain nombre de caractéristiques observables. Or,
CEDEAO ont le plus de chance d'être actifs dans le
de façon générale, l'agriculture demeure en Afrique,
secteur agricole que les non migrants. A l'autre
un secteur à très faible productivité1 et de nombreux
extr mit , ceux en provenance des pays d’Europe et
jeunes migrent des campagnes vers les villes ou
d’Am rique ont une probabilit plus faible de
l'étranger pour échapper aux dures conditions de
travailler dans les secteurs agricole et informel que
travail qui prévalent dans ce secteur. Que les
les non migrants. Ils ont en revanche une
migrants s'orientent majoritairement vers ce secteur
probabilité plus élevé de travailler dans le secteur
pourrait donc traduire les difficultés d'insertion dans
formel privé.
les autres secteurs. A moins que les migrants de
retour n'investissent les rares niches de
productivités qui existent dans l'agriculture
(maraîchage, agriculture périurbaine, agriculture
irriguée de la zone Office du Niger). Nous
examinerons plus loin cette hypothèse à travers
l'analyse des revenus.

1A l'exception des zones de culture irriguées mais qui
n'occupent qu'une faible part de la population active.

STATECO N°109, 2015

76
Tableau 5 :
Régression logistique multinomiale de l'impact de l’origine migratoire sur le choix d’allocation sectorielle
(ref=sans activité), ensemble des sexes

(2)Informel non
Variables
(1)Agricole
(3)Formel privé
(4)Formel public
agricole
Retour de




Côte d’Ivoire
0,425***
0,079
-0,033
-0,317

(5,93)
(0,94)
(-0,12)
(-1,60)
Autre CEDEAO
0,264***
-0,232**
0,003
-0,055

(2,71)
(-1,97)
(0,01)
(-0,23)
Autre Afrique
0,043
0,015
-0,261
0,067

(0,36)
(0,12)
(-0,76)
-0,310
Europe/Amérique
-1,293***
-0,866***
0,625*
-0,188

(-5,41)
(-3,14)
(1,66)
(-0,52)
Reste du monde
-0,289
-0,624*
-0,967
-1,072

(-0,91)
(-1,82)
(-0,92)
(-1,50)
Féminin
-1,277***
-0,564***
-1,581***
-0,771***

(-32,10)
(-13,00)
(-8,80)
(-6,97)
Age
0,106***
0,165***
0,278***
0,303***

(23,03)
(28,11)
(10,59)
(16,94)
Age2
-0,00135***
-0,00203***
-0,00351***
-0,00356***

(-27,54)
(-30,63)
(-11,18)
(-16,97)
Années d'éducation
-0,286***
-0,0885***
0,0529***
0,204***

(-53,85)
(-20,25)
(4,90)
(25,88)
Urbain
-0,124***
0,0648*
-0,0172
0,238***

(-4,05)
(1,78)
(-0,12)
(2,82)
Constante
0,281*
-2,050***
-7,979***
-8,155***

(1,74)
(-10,71)
(-9,85)
(-16,43)
Observations
38 063
Standard errors in parentheses*** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1.
Note : Le modèle inclut comme autres variables de contrôle : la région de résidence, la religion, des indicatrices concernant
le statut marital, des indicatrices concernant le lien avec le chef de ménage.


Quand on effectue les estimations par sexe
secteurs globalement peu productifs, ils pourraient,
(Tableau 6), il ressort que le statut migratoire est
du fait de leur expérience hors des frontières
discriminant tant pour les femmes que pour les
nationales, y occuper des niches. D'où l'importance
hommes mais n’agit pas toujours dans le m me
de compléter l'analyse de l'orientation sectorielle
sens. Pour les deux sexes, le retour de Côte d’Ivoire
par celles des revenus d'activité.
est associé à une probabilité plus élevée de

travailler dans le secteur agricole et pour les
femmes s’ajoute une probabilit plus lev e de
travailler dans le secteur informel. Pour les
migrants de retour d’un pays d’Europe ou
d’Am rique, la probabilit de travailler dans les
secteurs agricole et informel est réduite pour les
hommes tandis que pour les femmes, la probabilité
de travailler dans le secteur privé formel est
augmentée.
En résumé, si l'on s'en tient au secteur d'activité,
l'expérience migratoire ne semble pas constituer un
atout puisque les migrants de retour, en particulier
les hommes, rencontrent plus de difficultés à
s'insérer dans les secteurs potentiellement les plus
rémunérateurs. Mais comme nous l'avons souligné,
même s'ils sont majoritairement présents dans les
STATECO N°109, 2015

77

Tableau 6 :
Régression logistique multinomiale de l'impact de l’origine migratoire sur le choix d’allocation sectorielle (ref=sans activité), par sexe
Hommes

Femmes

(2) Informel non

(2) Informel non
(1) Agricole
(3) Formel privé (4) Formel public
(1) Agricole
(3) Formel privé (4) Formel public
agricole
agricole
Retour de









Côte d’Ivoire
0,609***
-0,080
-0,023
-0,438**

0,238**
0,448***
-13,960
-0,065

(6,04)
(-0,68)
(-0,09)
(-1,96)

(2,14)
(3,50)
(-0,01)
(-0,15)
Autre CEDEAO
0,318**
-0,256
-0,105
-0,193

0,125
-0,124
0,533
0,074

-2,240
(-1,50)
(-0,28)
(-0,68)

(0,78)
(-0,70)
(0,51)
-0,15
Autre Afrique
0,192
-0,039
-0,373
0,070

-0,408*
-0,121
0,371
-0,944

-1,230
(-0,23)
(-1,00)
(0,29)

(-1,80)
(-0,54)
(0,36)
(-1,24)
Europe/Amérique
-1,373***
-1,323***
0,051
-0,537

0,431
0,400
2,329***
0,634

(-5,21)
(-3,97)
(0,12)
(-1,31)

(0,64)
(0,72)
(3,06)
(0,87)
Reste du monde
-0,228
-0,479
-14,510
-0,721

0,060
-1,040
1,206
-21,040

(-0,54)
(-1,07)
(-0,02)
(-0,98)

(0,11)
(-1,61)
(1,12)
(-0,00)
Age
0,126***
0,241***
0,329***
0,352***

0,075***
0,097***
0,195***
0,216***

(15,24)
(23,36)
(10,58)
(15,25)

(12,64)
(13,46)
(3,30)
(7,07)
Age2
-0,002***
-0,003***
-0,004***
-0,004***

-0,001***
-0,001***
-0,002***
-0,002***

(-21,00)
(-27,26)
(-11,54)
(-16,22)

(-14,47)
(-14,38)
(-3,30)
(-6,09)
Années d'éducation
-0,296***
-0,111***
0,019
0,133***

-0,276***
-0,078***
0,096***
0,344***

(-44,85)
(-18,39)
(1,59)
(14,41)

(-29,47)
(-11,73)
(3,86)
(21,49)
Urbain
-0,202***
0,109*
-0,099
0,331***

-0,044
0,009
0,374
-0,106

(-4,06)
(1,86)
(-0,62)
(3,27)

(-1,09)
(0,18)
(1,08)
(-0,64)
Constante
0,191
-3,733***
-8,802***
-8,614***

-0,851***
-1,344***
-7,473***
-8,720***

(0,65)
(-10,56)
(-8,25)
(-12,20)

(-3,82)
(-5,65)
(-5,21)
(-10,88)
Observations
18,468

20,541
Standard errors in parentheses *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1
Note : Le modèle inclut comme autres variables de contrôle : la région de résidence, la religion, des indicatrices concernant le statut marital, des indicatrices concernant le lien avec le chef de
ménage
.
STATECO N°109, 2015

78
L'impact de l'expérience migratoire sur
McFadden quand on estime les équations de revenu
les revenus d'activité
par secteur d'activités. Avant de procéder à
l'interprétation des résultats proprement dits, il
Dans cette section, nous analysons dans un premier
convient de discuter de prime abord de l'apport
temps l'impact de la migration sur les revenus
concret de la correction de l'auto-sélection par
d'activité, sans distinction des secteurs d'activités.
rapport à une estimation MCO simple.
Ensuite, dans une seconde partie, nous effectuons
des analyses séparées par secteur, afin d'identifier
La qualité de la correction de la sélection dépend,
d'éventuelles différentiations de l'influence du statut
avant tout, des variables d'identification utilisées.
migratoire selon le secteur. Par ailleurs, comme
Dans cette étude, nous avons recours au statut
discuté dans la partie méthodologique, estimer
matrimonial et au lien de parenté avec le chef de
l'influence de l'expérience migratoire sur les
ménage. Il s'agit de variables qui n'ont en elles-
revenus directement par des MCO peut conduire à
mêmes, pas d'influence directe sur la productivité
des résultats biaisés à cause de l'auto-sélection des
mais qui peuvent jouer sur l'offre de travail et sur le
individus dans les différents secteurs du marché du
secteur d'activité vers lequel s'oriente l'individu. Les
travail. Afin de corriger les biais liés à cette
équations de premières étapes (tableau 7) montrent
sélection, nous recourons soit à la méthode
que ces variables jouent un rôle significatif sur le
d'Heckman quand on estime une équation unique
fait d'exercer une activité rémunérée.
pour tous les secteurs, soit à la méthode Durbin-
Tableau 7 :
Impact de l'état matrimonial et du lien de parenté avec le chef de ménage sur la probabilité d'exercer une
activité rémunérée.

Ensemble
Hommes
Femmes

Célibataire
0,109***
0,250***
0,0134
(2,86)
(2,98)
(0,27)

Marié
0,210***
0,260***
0,112***
(6,74)
(3,29)
(2,83)

Conjoint
-0,943***
-0,658***
-0,575***
(-33,11)
(-2,97)
(-9,43)

Enfant
-1,055***
-1,030***
-0,813***
(-37,63)
(-30,93)
(-11,76)

Autre parent
-0,999***
-1,043***
-0,656***
(-41,23)
(-34,48)
(-10,97)

Non apparenté
-1,023***
-0,941***
-0,847***
(-24,14)
(-15,38)
(-11,33)

Constante
-0,925***
-1,338***
-0,916***
(-11,58)
(-10,03)
(-8,38)

Athrho
-0,451***
-0,449***
-0,131
(-13,64)
(-10,62)
(-1,34)

N
39304
18577
20727
t statistics in parentheses, * p<0.10, ** p<0.05, *** p<.01.
Note : Le modèle inclut comme autres variables de contrôle : la région de résidence, la religion, des indicatrices concernant
le statut marital, des indicatrices concernant le lien avec le chef de ménage.

Pour ce qui est du statut matrimonial, toutes choses
moins souvent actifs rémunérés. Cette configuration
égales par ailleurs, les mariés sont ceux qui ont le
est valable aussi bien chez les hommes que chez les
plus souvent une activité rémunérée et, ceci, aussi
femmes, même si chez ces dernières les différences
bien chez les hommes que chez les femmes. Ils sont
entre statuts dans le ménage sont un peu moindres
suivis des célibataires mais seulement chez les
que chez les hommes. In fine, les variables
hommes, alors que les divorcés/veufs, etc.
mobilisées
pour
l'identification
constituent,
(catégorie de référence) constituent les catégories
empiriquement, des déterminants significatifs de la
qui exercent moins souvent une activité rémunérée.
sélection dans l'activité rémunérée.
Quant au lien de parenté avec le chef de ménage,
Par ailleurs, l'examen de l'inverse du ratio de Mill
comme attendu, les chefs de ménages sont le plus
souvent ceux exerçant une activité rémunérée.
(rho) montre que pour le modèle d'ensemble des
deux sexes et pour le modèle des hommes, rho est
Toutes les autres catégories de membres, à savoir
statistiquement significatif et négatif. Autrement
les conjoints, les enfants, les autres membres,
dit, les facteurs inobservables qui tendent à
apparentés ou non au chef de ménages, sont de loin
favoriser l'exercice d'une activité rémunérée, jouent
STATECO N°109, 2015

79

négativement sur les revenus salariaux, et vice-
corrigerons la sélection dans tous les modèles,
versa. Cette structure de corrélation est compatible
même si les estimations OLS et Heckman sont
avec l'hypothèse d'un "chômage de luxe" i.e. ceux
proches lorsque l’effet de s lection est faible et
qui ont la plus grande probabilité de ne pas
statistiquement non significatif.
travailler auraient eu des revenus plus élevés.
Il ressort du modèle d'ensemble (tableau 8) que, sur
Inversement, ceux qui sont potentiellement des
les cinq catégories de migrants de retour selon le
"travailleurs pauvres" ont le plus de chance de
lieu de provenance (Côte d'Ivoire, autres pays de la
travailler. Quand on estime les modèles selon le
sexe, c'est uniquement chez les hommes que la
CEDEAO, autres pays africain, Europe/Amérique,
reste du monde), trois ont des rémunérations très
sélection mesurée par rho est statistiquement
significativement inférieures à celles des non
significative. Chez les femmes, par contre, certes
migrants sur le marché du travail. Il s'agit de
rho demeure négatif mais n'est pas statistiquement
migrants de retour des pays de la Côte d'Ivoire, des
significatif.
autres pays de la CEDEAO, des autres pays
En conclusion, si on peut, dans une certaine
africains
et
du
reste
du
monde
hors
mesure, se passer de la prise en compte de la
Europe/Amérique. Seuls ceux en provenance des
sélection chez les femmes, on est obligé d'en tenir
pays Européens sont rémunérés aussi bien que les
compte chez les hommes et pour les modèles
natifs.
d'ensemble.
Par
souci
d'uniformité,
nous
Tableau 8 :
Impact de l'origine migratoire sur la rémunération du travail (log du salaire journalier; MCO et
Heckman avec contrôle de la sélection), par sexe


Ensemble
Hommes
Femmes
MCO
Heckman
MCO
Heckman
MCO
Heckman

Retour de






Côte d’Ivoire
-0,015
-0,0579*
-0,0846**
-0,111***
-0,024
-0,073
(-0,46)
(-1,80)
(-2,23)
(-3,03)
(-0,41)
(-1,17)

Autre CEDEAO
-0,172***
-0,193***
-0,290***
-0,318***
0,108
0,128
(-3,88)
(-3,93)
(-6,06)
(-5,79)
(0,91)
(1,1)

Autre Afrique
-0,120**
-0,129**
-0,149**
-0,156***
-0,085
-0,115
(-2,19)
(-2,37)
(-2,44)
(-2,59)
(-0,66)
(-0,91)

Europe/Amérique
-0,109
-0,067
-0,247*
-0,198
0,185
0,226

(-0,76)
(-0,52)
(-1,72)
(-1,35)
(0,57)
(0,87)
Reste du monde
-0,320**
-0,350**
-0,380**
-0,385**
-0,240
-0,286
(-2,29)
(-2,19)
(-2,28)
(-2,07)
(-0,93)
(-0,92)

Féminin
-0,661***
-0,675***
0,000
0,000
0,000
0,000
(-37,24)
(-36,80)
(,)
(,)
(,)
(,)

Age
0,0139***
0,003
0,0285***
0,0100**
0,00588*
-0,002
(5,56)
(0,90)
(8,21)
(2,12)
(1,67)
(-0,42)

Age2
-0,00009***
0,000
-0,0002***
0,000
0,000
0,000
(-3,16)
(-0,16)
(-5,26)
(-1,59)
(-1,46)
(0,24)

Années d'éducation
0,0358***
0,0346***
0,0316***
0,0294***
0,0438***
0,0427***

(12,9)
(12,66)
(9,61)
(8,84)
(8,96)
(8,83)
Urbain
-0,0530***
-0,0451**
-0,036
-0,031
-0,0807***
-0,0676**
(-2,72)
(-2,34)
(-1,34)
(-1,16)
(-2,89)
(-2,44)

Constante
6,702***
7,201***
6,199***
6,974***
6,343***
6,712***
(109,1)
(62,19)
(74,23)
(43,91)
(74,84)
(47,56)

N
13271
38307
7172
18165
6099
20142
t statistics in parentheses, * p<0.10, ** p<0.05, *** p<.01
Note : Le modèle inclut comme autres variables de contrôle : la région de résidence, la religion, des indicatrices concernant
le statut marital, des indicatrices concernant le lien avec le chef de ménage.

Comme souligné dans la littérature, deux facteurs
l'expérience migratoire a lieu dans un pays avec un
aux effets opposés peuvent expliquer les différences
niveau de productivité élevé, cette expérience
entre migrants de retour et non migrants sur le
migratoire peut permettre au migrant, une fois de
marché du travail des pays en développement. Le
retour dans son pays d'être plus productif à
premier facteur est lié au fait que lorsque
caractéristiques observables égales. A l'inverse, les
STATECO N°109, 2015

80
migrants, durant leur absence du pays, perdent aussi
L'influence du statut migratoire sur les
bien en termes de capital social que de la
revenus d'activité par secteur d'activité.
connaissance de l'environnement du marché du
travail local. Un autre aspect est que la productivité
Dans l'analyse précédente, nous avons considéré
des activités agricoles est liée à la qualité de la
indifféremment l'ensemble des secteurs d'activité.
terre. Etant donné la relative rigidité des modes
Si l'intérêt d'une telle analyse est qu'elle permet
d’acc s la terre et les tensions qui existent sur le
d'avoir un aperçu général de l'influence de la
foncier rural, il est possible que les migrants de
migration sur les revenus, elle ne permet pas de
retour soient défavorisés par rapport aux non
cerner un potentiel effet différentiel de la migration
migrants. Il se pourrait que dans le cas des migrants
selon le secteur d'activité. Autrement dit, les
maliens de retour, ce soit ce second effet qui
migrants de retour pourraient avoir une productivité
domine, d'où l'impact globalement négatif de
élevée dans certains secteurs d'activité, mais pas
l'expérience migratoire.
dans d'autres. Avant de procéder à l'interprétation
substantive des résultats, il convient, comme dans
On se serait néanmoins attendu à ce que, de par le
la partie précédente, de mesurer l'importance de la
différentiel de productivité qui existe entre le Mali
sélection et son impact sur les résultats.
et les pays hors Afrique (essentiellement l'Europe et
les Etats-Unis), les migrants ayant séjourné ailleurs
Dans cette partie, nous estimons une équation de
qu'en Afrique soient nettement plus rémunérés que
gain pour chaque secteur d'activité, en tenant
les natifs ou les autres catégories. Il semble que cela
compte de l'auto-sélection dans ce secteur. Comme
ne soit pas le cas ce niveau de l’analyse.
souligné dans la partie méthodologique, nous avons
L'estimation des équations de gain par secteur
eu recours à la méthode de Durbin-McFadden qui
d'activit permettra d’approfondir cette question.
est une généralisation de la méthode d'Heckman en
cas de sélection multiple. Cette méthode
L'impact de la migration sur la rémunération du
implémentée sous STATA par Bourguignon et al.
travail apparaît très différent chez les hommes et
(2007) repose sur la modélisation de l'équation de
chez les femmes. Pour ces dernières, quelle qu'en
première étape à travers un modèle logit
soit la provenance, l'expérience migratoire ne
multinomial,
avec
les
mêmes
variables
semble pas jouer de rôle significatif sur le niveau de
d'identification que précédemment, à savoir le statut
rémunération. Chez les hommes en revanche,
matrimonial et le lien de parenté avec le chef de
l'expérience migratoire a bien plus d'influence sur la
ménage. Il ressort des estimations que, d'une part,
rémunération du travail. De façon générale, les
ces variables permettent de bien expliquer
migrants subissent une perte de rémunération qui
l'orientation sectorielle (tableaux 9 et 10) et, d'autre
varie de -11% pour ceux de retour de Côte d'Ivoire
part, que la sélection ne doit pas être ignorée
à -38% pour ceux originaires du reste du monde.
(tableau 11). En effet, dans l'estimation de
Les migrants de retour des pays africains CEDEAO
l'équation de gain de chaque secteur, le modèle
hors Côte d’Ivoire subissent galement une perte
ajoute aux variables indépendantes, des termes
très significative (-32%). Seuls les migrants en
d'erreur de l'équation d'intérêt et de la sélection
provenance des pays non africains semblent ne pas
dans chaque secteur. Sur 20 coefficients de
être statistiquement différents des non migrants,
corrélations, 10 sont statistiquement significatifs.
malgré un coefficient pourtant important (-20%). In
En outre pour trois sur les quatre équations de gain
fine, le résultat observé pour l'ensemble des sexes
sectorielle, au moins un rho sur quatre est
s'explique principalement par l'effet de la migration
significatif.
Comme
précédemment,
nous
chez les hommes.
interprétons donc ci-dessous uniquement les
modèles avec contrôle de sélection.


STATECO N°109, 2015

81

Tableau 9 :
Impact de l'état matrimonial et du lien de parenté avec le chef de ménage sur l'orientation sectorielle des
actifs, ensemble des sexes.

(2) Informel non
Variables
(1) Agricole
(3) Formel privé
(4) Formel public
agricole
Célibataire
0,355***
-0,161*
0,775
0,097

(3,84)
(-1,85)
(1,22)
(0,34)
Marié
0,691***
-0,240***
1,253**
0,109

(9,62)
(-3,36)
(2,09)
(0,43)
Conjoint
-2,019***
-1,081***
-1,687***
-1,128***

(-31,41)
(-16,63)
(-5,72)
(-6,01)
Enfant
-1,947***
-1,628***
-2,036***
-1,663***

(-31,11)
(-24,79)
(-9,26)
(-10,61)
Autre parent
-1,805***
-1,541***
-1,529***
-1,732***

(-34,21)
(-27,24)
(-8,56)
(-11,78)
Autre non parent
-3,034***
-1,135***
-2,653***
-0,722***

(-23,82)
(-12,39)
(-3,63)
(-2,94)
Constante
-4,766***
-2,310***
-7,216***
-9,356***

(-19,92)
(-11,49)
(-7,44)
(-15,04)
Observations
38 063
Erreurs standards entre parenthèses, *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1
Note : Le modèle inclut comme autres variables de contrôle : la région de résidence, la religion, des indicatrices concernant
le statut marital, des indicatrices concernant le lien avec le chef de ménage.


STATECO N°109, 2015

82
Tableau 10 :
Impact de l'état matrimonial et du lien de parenté avec le chef de ménage sur l'orientation sectorielle des actifs (modèle par sexe, contrôle du statut migratoire, du
niveau d'éducation, de l'âge, du milieu de résidence, de la religion et de la région de résidence) par sexe









(2) Informel non
(2) Informel non

(1) Agricole
(3) Formel privé
(4) Formel public
(1) Agricole
(3) Formel privé
(4) Formel public
agricole
agricole
Célibataire
0,576***
0,179
0,818
0,155
0,034
-0,168
0,512
0,096

(3,01)
(0,91)
(0,79)
(0,33)
(0,27)
(-1,52)
(0,57)
(0,21)
Marié
0,622***
-0,004
1,262
0,214
0,547***
-0,295***
0,847
-0,036

(3,50)
(-0,02)
(1,24)
(0,48)
(6,03)
(-3,25)
(1,01)
(-0,09)
Conjoint
-1,304***
-1,389**
-14,610
-0,033
-0,983***
-0,739***
-1,253*
-1,199***

(-3,05)
(-2,18)
(-0,01)
(-0,04)
(-6,30)
(-6,12)
(-1,79)
(-3,28)
Enfant
-1,901***
-1,627***
-2,101***
-1,698***
-1,075***
-1,417***
-1,769**
-2,045***

(-26,67)
(-20,81)
(-8,91)
(-10,03)
(-5,73)
(-10,09)
(-2,21)
(-4,92)
Autre parent
-2,000***
-1,562***
-1,481***
-1,615***
-0,731***
-1,295***
-1,499**
-2,261***

(-31,27)
(-21,79)
(-7,90)
(-10,03)
(-4,81)
(-11,28)
(-2,14)
(-5,94)
Autre non parent
-2,433***
-1,134***
-2,842***
-0,846***
-2,698***
-0,882***
-2,040*
-0,488

(-14,37)
(-8,26)
(-2,79)
(-2,89)
(-11,80)
(-5,94)
(-1,65)
(-0,94)
Constante
-4,756***
-3,565***
-8,147***
-9,076***
-6,074***
-1,837***
-6,105***
-11,10***

(-13,56)
(-10,35)
(-5,97)
(-11,33)
(-14,72)
(-7,08)
(-3,84)
(-9,77)
Observations
18 630
20 699
Erreurs standards entre parenthèses, *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1
Note : Le modèle inclut comme autres variables de contrôle : la région de résidence, la religion, des indicatrices concernant le statut marital, des indicatrices concernant le lien avec le chef de
ménage.


STATECO N°109, 2015

83

De l'estimation de l'équation de gain par secteur
le migrant vient d'une région lointaine. Ainsi, alors
d'activité (tableau 11), il ressort que le profil des
que les migrants en provenance de Côte d'Ivoire
rendements des expériences migratoires est très
gagnent environ 16% de moins que les non
variable d'un secteur à l'autre. Quand les migrants
migrants, ceux en provenance d'autres pays de la
de retour s'orientent vers l'agriculture, ils sont en
CEDEAO gagnent 29% en moins, ceux de retour
général moins productifs que les non migrants,
d’un autre pays africain 26% en moins et ceux du
quelle que soit leur origine migratoire, et cette
reste du monde (hors Europe/Amérique)40% en
faible productivité est d'autant plus importante que
moins.
Tableau 11 :
Impact de l'origine migratoire sur la rémunération du travail par secteur (log du salaire journalier;
Durbin McFadden-2 avec contrôle de la sélectivité), effets fixes régions

(2) Informel non

(1) Agricole
(3) Formel privé
(4) Formel public
agricole
Retour de




Côte d’Ivoire
-0,157***
-0,212***
0,057
0,017
(-3,85)
(-3,67)
(0,20)
(0,11)

Autre CEDEAO
-0,293***
-0,149
0,347
0,094
(-5,11)
(-1,53)
(0,78)
(0,50)

Autre Afrique
-0,266***
0,003
-0,124
0,093
(-3,71)
(0,03)
(-0,36)
-0,620

Europe/Amérique
0,150
-0,060
0,237
0,629**

-0,590
(-0,18)
(0,49)
-2,100
Reste du Monde
-0,429**
0,032
0,052
-0,040
(-1,97)
(0,14)
(0,05)
(-0,06)

Féminin
-0,730***
-0,497***
-0,023
0,214**
(-19,58)
(-13,73)
(-0,09)
-2,280

Age
-0,0117**
0,006
-0,005
-0,033
(-2,31)
(0,90)
(-0,12)
(-1,43)

Age2
0,000168***
0,000
0,000
0,000
(3,09)
(-1,13)
(0,16)
(1,51)

Années d'éducation
0,0523***
0,0368***
0,0570*
-0,0557*

(4,84)
(5,80)
(1,69)
(-1,92)
Urbain
-0,112***
0,033
-0,233
-0,020
(-4,11)
(0,97)
(-1,12)
(-0,26)

Termes corrigeant de la sélectivité

_m0
0,518***
0,358***
-0,213
0,325
(3,60)
(2,71)
(-0,26)
(1,20)

_m1
-0,420***
-0,385**
-0,913
0,528
(-5,62)
(-2,25)
(-0,99)
(1,30)

_m2
-0,567*
-0,146
-0,868
1,803***
(-1,72)
(-1,63)
(-0,70)
(2,92)

_m3
9,300***
2,003**
0,111
-0,311
(3,80)
(2,49)
(0,26)
(-0,38)

_m4
-0,284
-1,282***
-1,723
-0,683***
(-0,26)
(-3,76)
(-1,26)
(-2,87)

Constante
8,539***
7,528***
6,241***
11,22***
(27,81)
(30,91)
(3,81)
(9,23)

N
7112
5421
301
700
Erreurs standards entre parenthèses, *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1
Note : Le modèle inclut comme autres variables de contrôle : la région de résidence, la religion, des indicatrices concernant
le statut marital, des indicatrices concernant le lien avec le chef de ménage.


Le secteur agricole malien, qui occupe encore trois
contre 34 300 FCFA pour les actifs du secteur
quarts des actifs, souffre, comme dans beaucoup de
informel non agricole et 57 400 FCFA pour ceux du
pays africains, d'un déficit de productivité, dont
secteur formel) et d'autre part la prévalence de la
témoignent d'une part la faiblesse des revenus des
pauvreté dans les ménages agricole (51,1 % des
agriculteurs (il ressort ainsi de l’enqu te que le
ménages ruraux vivaient en dessous du seuil de
revenu moyen des agriculteurs est de 35 900 FCFA
pauvreté en 2011 d'après les données de l'EMOP).
STATECO N°109, 2015

84
On aurait pu espérer que les migrants, de par leur
significatif dans le secteur informel à part pour les
expérience sous d'autres cieux, puissent constituer
migrants de retour d’un pays de la CEDEAO hors
des agents innovateurs et contribuer à sortir
Cote d’Ivoire. Chez les femmes, le mod le ne
l'agriculture de la trappe à faible productivité. Nos
permet pas d’estimer tous les coefficients mais la
analyses montrent clairement que tel n'est pas le cas
configuration de l'impact de la migration sur la
et que l'expérience acquise à l'extérieur n'est pas
rémunération du apparaît très différente. En effet,
valorisable dans le secteur agricole. Les chiffres
l'impact de la migration apparaît soit nul soit positif
obtenus apparaissent néanmoins surprenants dans
pour certaines provenance dans certains secteurs.
leur taille et pourraient être expliqués par les
Ainsi, les migrantes de retour d’un pays de la
difficult s d’acc s la terre voqu es plus haut. On
CEDEAO hors Côte d’Ivoire enregistre un gain »
pourrait notamment envisager que plus le migrant
supérieur de près de 70% par rapport aux non
est parti « loin , plus ses droits d’acc s la terre se
migrantes. Dans le secteur informel, ce sont les
sont affaiblis, et plus sa productivité dans le secteur
migrantes de retour d’un pays africain hors
agricole en souffre. On est donc loin d’une situation
CEDEAO qui enregistre un gain significatif par
où les migrants de retour occuperaient des
rapport aux non migrantes. Enfin, dans le secteur
« niches » de productivité.
privé
formel,
les
migrantes
de
retour
d’Europe/Am rique enregistre des gains 5 fois
Si les migrants sont défavorisés dans le secteur
supérieurs aux non migrantes. Cette estimation doit
agricole, leur situation n’apparaît pas beaucoup plus
néanmoins être prise avec précaution car elle repose
favorable dans le secteur informel, du moins pour
sur un chantillon tr s petit d’observations : seules
les migrants de retour de Côte d’Ivoire qui souffrent
56 femmes ont des gains du secteur privé formel et
d'une « perte » de productivité de 21% par rapport
seules 2 d’entre elles reviennent d’un pays
aux non migrants du secteur. Pour les autres
d’Europe ou d’Am rique.
provenances, les coefficients du secteur informel
montrent que les migrants y ont quasiment les
Comme nous l'avons souligné plus haut, être
mêmes
rémunérations
que
les
migrants
migrant hors Afrique peut constituer un signal
puisqu’aucun coefficient de r gression n'est
positif sur le marché du travail. Mais au-delà de
statistiquement significatif. Quelle que soit leur
l'effet "signal", les Maliennes qui partent se former
provenance, les migrants de retour ne se distinguent
à l'extérieur peuvent être plus performantes que
pas le secteur formel privé par rapport aux non
celles restées au pays, même à niveau d'éducation
migrants. Dans le secteur formel public, seuls les
identique. Bien évidemment, cette explication ne
migrants de retour d’Europe ou d’Am rique
vaut que pour le secteur formel puisque, dans le
enregistrent une prime tr s significative d’environ
secteur agricole, les estimations soit ne permettent
63% de plus que les non migrants. En dehors de
pas de conclure à une différence de rendement
cette catégorie, les autres migrants ne se distinguent
(pour celles en provenance des pays hors Afrique
pas statistiquement des non migrants. Le fait que
ou des autres pays de la CEDEAO), soit conduisent
les migrants en provenance d’Europe ou
à conclure à l'existence d'un rendement plus faible
d’Am rique s'en sortent mieux sur le march du
(pour les migrantes en provenance de la Côte
travail formel pourrait s'expliquer par le fait que
d'Ivoire ou d'autre pays africains).
parmi eux, se trouvent un certain nombre de
personnes qui ont justement migré afin de suivre
une formation ou de poursuivre leur formation dans
de bien meilleures conditions que ceux restés sur
place. Une fois de retour, leur formation peut
constituer un signal positif à l'intention des grandes
entreprises et des institutions internationales ou
nationales qui recrutent. Un autre résultat frappant
est le fait que les femmes sont mieux rémunérées
que les hommes dans le secteur formel public, une
fois pris en compte l'effet de sélection alors que,
dans les secteurs informel et agricole, elles sont
défavorisées, quelle que soit la spécification
retenue. Il est donc intéressant de procéder aux
estimations par sexe afin d'approfondir ce constat.
Quand on procède aux estimations par sexe (tableau
12), il ressort chez les hommes quasiment les
mêmes profils que dans l'ensemble : à savoir un
effet négatif de la migration sur les rendements
dans le secteur agricole quelle que soit la
provenance du migrant, une absence d'effet
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85

Tableau 12 :
Impact de l'origine migratoire sur la rémunération du travail par secteur et sexe (log du salaire journalier; Durbin McFadden-2 avec contrôle de la sélectivité)

Hommes
Femmes
(1) Agricole
(2) Informel
(3) Privé
(4) Public
(1) Agricole
(2) Informel
(3) Privé
(4) Public

Retour de








Côte d’Ivoire
-0,293***
-0,087
0,215
-0,109
0,000
0,000
0,000
0,000
(-4,55)
(-1,10)
-0,690
(-0,54)
(,)
(,)
(,)
(,)

Autre CEDEAO
-0,488***
-0,209*
0,583
0,241
0,694***
-0,057
1,231
0,090
(-6,01)
(-1,79)
(1,00)
(1,08)
(2,92)
(-0,30)
(0,66)
(0,08)

Autre Afrique
-0,197**
-0,099
-0,114
0,018
-0,095
0,799***
3,640
0,000
(-2,45)
(-0,98)
(-0,32)
(0,12)
(-0,52)
(2,70)
(1,38)
(,)

Europe/Amérique
-0,244
-0,309
0,030
0,288
0,582
-0,246
5,016**
0,000
(-1,00)
(-1,03)
(0,06)
(0,73)
(0,87)
(-0,28)
(2,08)
(,)

Reste du Monde
-0,499*
-0,209
0,000
0,046
0,000
0,000
0,000
0,000
(-1,68)
(-0,69)
(,)
-0,070
(,)
(,)
(,)
(,)

Age
0,002
0,009
-0,035
-0,030
-0,018
0,005
-0,012
-0,184**
(0,25)
(0,79)
(-0,64)
(-1,04)
(-1,51)
(0,47)
(-0,08)
(-2,31)

Age2
0,000
0,000
0,000
0,000
0,000
0,000
-0,001
0,00251**
(0,06)
(-0,85)
(0,73)
(1,11)
(1,58)
(-0,60)
(-0,28)
-2,530

Années d'éducation
0,0521***
0,0262***
0,011
-0,0635*
0,030
0,0405***
0,472**
-0,066

(3,68)
(3,03)
(0,28)
(-1,77)
(1,02)
(2,61)
(2,29)
(-0,55)
Urbain
0,039
-0,016
-0,214
-0,061
-0,196***
-0,015
-0,703
0,130
(0,80)
(-0,34)
(-0,90)
(-0,68)
(-3,88)
(-0,27)
(-0,59)
(0,56)

Termes corrigeant de la sélectivité








_m0
0,247
0,123
-0,494
0,062
1,282***
0,337
-4,935
-1,018
(1,47)
(1,12)
(-0,65)
(0,16)
(2,66)
(0,80)
(-0,71)
(-0,61)

_m1
-0,659***
-0,365*
0,030
0,374
0,038
0,634
-25,96**
0,781
(-6,68)
(-1,84)
(0,03)
(0,72)
(0,18)
(1,33)
(-2,13)
(0,30)

_m2
1,764**
-0,268**
-0,941
2,002**
-1,060
-0,017
-14,07*
1,725
(2,26)
(-2,15)
(-0,66)
(2,37)
(-1,32)
(-0,11)
(-1,96)
(0,61)

_m3
4,277
1,250*
0,072
0,042
6,770
12,25**
3,120
-22,980
(1,64)
(1,84)
(0,14)
(0,04)
(0,31)
(2,41)
(1,21)
(-1,57)

_m4
-2,685*
-1,061**
-3,022*
-0,963***
-13,260
-2,151*
-3,159
-0,281

(-1,67)
(-2,38)
(-1,79)
(-2,93)
(-0,59)
(-1,80)
(-0,53)
(-0,37)
Constante
9,379***
7,230***
7,011***
11,78***
7,263***
7,501***
-10,310
11,12***
(19,98)
(20,55)
(3,48)
(7,27)
(5,44)
(18,33)
(-0,94)
(3,03)










Erreurs standards entre parenthèses, *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1
Note : Le modèle inclut comme autres variables de contrôle : la région de résidence, la religion, des indicatrices concernant le statut marital, des indicatrices concernant le lien avec le chef de
ménage
.
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86
Conclusion
reporté à des travaux futurs si les données le
permettent. Malgré ces limites, la portée politique
des résultats mis en évidence dans cette étude est
Du fait de l’importance du ph nom ne migratoire,
loin d'être négligeable : dans le domaine de
l’analyse de ses effets sur les pays d’origine et de
l'emploi, les migrants de retour, peut-être parce qu'il
destination a t l’objet de nombreux travaux.
s'agit de ceux dont le projet migratoire a tourné
Parmi les questions d’int r t, celle du devenir des
court, s'en sortent en général moins bien que les non
migrants de retour constitue une des dimensions par
migrants. Compte tenu du fait qu'ils constituent
lesquelles la migration est susceptible d’affecter les
quand même d'une frange non négligeable de la
pays d’origine. Dans le cas du Mali, peu d’ tudes
population active (près de 10%), il est urgent que
existent sur cette question et la caractérisation des
les pouvoir publics repensent la politique d'accueil
migrants de retour et de leur impact sur le marché
et de réintégration de la diaspora malienne.
de travail demeure incompl te. L’objectif de cet
article est donc de pallier ces insuffisances en
mobilisant des données de l'Enquête Modulaire et
Permanente auprès des Ménages (EMOP) pour
analyser l’insertion des migrants de retour sur le
marché du travail.
Plus spécifiquement, nous avons abordé le
probl me de l’insertion sur le march du travail
sous deux angles : celui du choix sectoriel
d’occupation, tout d’abord, et celui de la
rémunération, dans un second temps. Dans le
deuxi me cas, l’analyse s’est appuy e sur des
méthodes économétriques avancées, permettant de
prendre en compte la sélection des individus dans
différents secteurs. Mais nos données ne permettent
pas d'adresser la question de la sélection sur des
inobservables des migrants qui rentrent.
Les résultats de nos analyses indiquent que les
migrants de retour ne semblent pas b n ficier d’une
situation particulièrement favorable sur le marché
du travail. Du point de vue de l’allocation
sectorielle, ils ont une probabilité plus forte de
travailler dans le secteur agricole à caractéristiques
observables données. Par ailleurs, ils ne bénéficient
pas de prime de rémunération : au contraire, ils sont
moins bien rémunérés à caractéristiques identiques.
Une analyse au niveau sectoriel et par sexe montre
néanmoins que les hommes migrants de retour d’un
pays de la CEDEAO et les femmes migrantes de
retour d’un pays de l’OCDE b n ficient d’une
prime salariale dans le secteur formel. Ce résultat
pourrait notamment s’expliquer par la r mun ration
de caractéristiques non observables telles que la
qualit de l’ ducation ou la motivation.
La question de la sélection des migrants de retour
aux deux étapes clés que constituent les décisions
de départ puis de retour est uniquement abordée ici
en termes de caractéristiques observables. La prise
en compte des caractéristiques inobservables
(motivation,
capacit s
non
cognitives…)
supposerait de pouvoir disposer d’instruments
adéquats permettant de contrôler les biais
potentiels. Les données disponibles ne permettent
malheureusement pas de disposer de tels
instruments afin de traiter cette dimension du
problème de la sélection de manière suffisamment
convaincante. Cet approfondissement a donc été
STATECO N°109, 2015

87

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