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I. Objet et utilisation de l’ouvrage Cet ouvrage fait partie d’une série... |
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I. Objet et utilisation de l’ouvrage
Cet ouvrage fait partie d’une série d’études de cas
publiées en plusieurs langues sous l’égide de
l’Institut. Celui-ci a été créé en 1964 au sein du FMI
pour offrir des cours de formation pratique aux
cadres des administrations financières et des banques
centrales des pays membres. L’Institut dispense cette
formation au siège du FMI à Washington et à travers
le monde sous la forme de cours et de séminaires
régionaux et nationaux. Le présent ouvrage est le
résultat de l’effort collectif d’une équipe de l’Institut.
Il puise dans le fonds commun de recherche et de
publications du FMI et de l’Institut, et il bénéficie
de l’expérience pédagogique accumulée à l’Institut.
Son contenu est utilisé dans le cadre de cours
enseignés par l’Institut.
Le but de cet ouvrage est de permettre aux cadres
chargés de la politique économique d’améliorer leur
compréhension des économies de marché et de se
familiariser avec les instruments d’analyse
macroéconomique. L’accent est mis en particulier sur
les aspects méthodologiques. Ainsi, cet ouvrage est
destiné à servir à l’apprentissage pratique de la
programmation financière à partir d’une étude de cas sur
la Tunisie. On entend par programmation financière
au FMI la procédure complexe conduisant à
l’élaboration d’un programme économique et
financier à moyen terme (appelé programme financier),
c’est-à-dire un ensemble de mesures économiques
cohérentes permettant à un pays d’atteindre
simultanément plusieurs objectifs macroéconomiques
compatibles. Ces objectifs portent, en général, sur la
croissance, l’inflation et la situation extérieure.
L’objet de la programmation financière, plus
précisément, est la conception et la mise en oeuvre de
politiques économiques cohérentes qui permettent
une croissance de qualité.1
La conception et la mise en oeuvre d’un
programme financier sont importantes pour les
responsables économiques des pays membres et les
services du FMI. Les premiers s’en servent pour
conduire la politique économique de leur pays, et
les seconds pour mener à bien leur activité de
surveillance, de conseil et d’assistance financière.
L’objet des consultations, que le FMI entreprend
en général annuellement avec tous ses pays
membres dans le cadre de son activité de
surveillance, est d’analyser leur situation
économique et de recommander des politiques
macroéconomiques et structurelles pertinentes. Si
les pays membres ont besoin de redresser leur
situation économique, ils peuvent aussi
éventuellement bénéficier d’une assistance
financière du FMI et plus généralement de celle de
la communauté financière internationale, dans le
cadre d’un programme financier.
La présente introduction décrit brièvement la
programmation financière et fournit un aperçu
général de la situation économique de la Tunisie.
L’ouvrage comporte ensuite deux parties
principales. La première partie est consacrée à
l’analyse des comptes macroéconomiques et de
leurs interrelations. Chacun des quatre grands
comptes est décrit et analysé, et des exercices
d’application sont proposés; puis un chapitre
examine les relations entre les comptes des quatre
secteurs, avec un exercice pratique à l’appui. La
deuxième partie couvre les méthodes de projection
propres à chacun des quatre secteurs et les
méthodes pour élaborer un programme financier.
Chaque chapitre passe en revue brièvement
l’évolution récente du secteur en Tunisie, décrit les
méthodes de projection usuelles et propose
d’effectuer une projection du secteur, compatible
avec celles des autres secteurs. Un chapitre
explique comment rendre cohérentes, notamment
par itérations successives, des projections
sectorielles (appelé scénario de référence). Un
dernier chapitre traite du mode d’élaboration et de
suivi des programmes financiers et débouche sur un
exercice d’élaboration d’un programme financier
pluriannuel pour la Tunisie (appelé scénario de
programme). Des informations supplémentaires sont
proposées dans des tableaux en Annexe.
1
Introduction
CHAPITRE
1C’est-à-dire une croissance durable, bien répartie, et qui
n’obère pas celle des générations futures.
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Les méthodes présentées ici ne recouvrent pas
l’ensemble des techniques utilisées par les services
du FMI. Elles reflètent néanmoins, de façon
simplifiée, l’approche généralement suivie par les
services du FMI. Les méthodes se fondent sur
l’expérience acquise par le FMI dans l’étude des
économies des pays membres. Dans un souci de
cohérence et de réalisme, les travaux pratiques se
rapportent à un seul pays, la Tunisie, pour lequel des
données réelles sont, à quelques exceptions près,
utilisées. Les renseignements donnés concernant la
Tunisie et l’environnement international sont ceux
qui étaient connus à la fin de 1992. Pour élaborer
un programme financier à moyen terme pour la
période 1993–95 dans des conditions aussi proches
que possible des conditions réelles de confection de
programmes financiers, le lecteur devra s’appuyer
uniquement sur les informations sur la Tunisie
fournies dans l’ouvrage. Les autorités tunisiennes
ont indiqué qu’elles n’avaient pas d’objection à
cette publication, dont les auteurs assument seuls la
responsabilité.
II. Notions d’ajustement et de
programme financier
1. Notion d’ajustement
Un pays confronté à des déséquilibres
économiques internes, tels qu’un sous-emploi des
facteurs de production ou une hausse excessive des
prix, ou externes, tels qu’un déficit ou un excédent
de la balance des paiements devra, d’une manière
ou d’une autre, procéder à une réduction de ces
déséquilibres. Cette réduction, appelée ajustement,
peut se faire soit de façon que l’on peut qualifier de
“désordonnée”, soit de façon “ordonnée”.
On entend par un ajustement désordonné une
correction brutale et non prévue des déséquilibres.
L’ajustement désordonné peut refléter des situations
diverses. Un cas extrême est celui où les autorités
n’interviennent pas ou considèrent qu’elles n’ont
pas la possibilité d’intervenir, par exemple parce que
le pays est en proie à une crise sociale grave (guerre
civile, blocage politique ou crise institutionnelle).
Dans ce cas, les déséquilibres économiques
s’aggraveront jusqu’à ce se produise un ajustement
contraint des déséquilibres. Ainsi, dans le cas d’une
crise des paiements extérieurs en raison, par
exemple, d’un taux de change surévalué,
l’épuisement des réserves internationales et la crise
de confiance des créanciers étrangers finiront par
contraindre le pays à réduire fortement ses
importations, et par affecter la production.
Un autre cas d’ajustement désordonné est celui
où les autorités décident de prendre des mesures,
mais sans s’attaquer aux racines des déséquilibres
économiques. Elles essayent simplement de contrer
les effets des déséquilibres par des mesures
partielles plutôt que fondamentales. Dans
l’exemple cité ci-dessus, elles pourraient imposer
des quotas à l’importation et subventionner les
exportations au lieu d’ajuster le taux de change et
de mener des politiques restrictives. Si, à court
terme, on peut espérer contrer les forces du
marché, l’expérience a montré qu’à moyen terme
cette situation aura tendance à conduire à
l’inflation, à la fuite des capitaux, à une crise
budgétaire et surtout à des distorsions majeures
dans l’allocation des ressources.
On entend par un ajustement ordonné une
correction des déséquilibres économiques par la
mise en oeuvre de mesures d’ajustement
cohérentes, qui assurent à la fois la stabilisation à
court terme et la croissance à moyen terme. La
réalisation d’un ajustement qualifié d’ordonné
consiste à mettre en oeuvre simultanément des
mesures de gestion de la demande, c’est-à-dire par
des politiques budgétaire, monétaire, du secteur
extérieur, et de gestion de l’offre, c’est-à-dire par des
politiques structurelles. D’une part, la stabilisation
s’effectue en contenant la demande intérieure par
rapport à l’offre globale2, de préférence la
consommation plutôt que l’investissement, par des
politiques budgétaire et monétaire restrictives.
D’autre part, les conditions d’une croissance
durable requièrent une allocation des ressources
plus efficace et une utilisation des ressources plus
efficiente, en améliorant le fonctionnement des
quatre principaux marchés, à savoir les marchés
des biens et services, financiers, des changes, et du
travail, notamment par des politiques de
libéralisation des échanges et des prix, de réforme
des entreprises publiques et du système financier,
de flexibilité du marché du travail.
A quel moment un pays doit-il procéder à
l’ajustement? Il est essentiel d’entreprendre
l’ajustement le plus tôt possible, dès les premiers
signes de déséquilibre. En effet, les pays qui réussissent
le mieux leur développement sont ceux qui suivent de
près l’évolution de leur économie et qui réagissent
rapidement aux chocs exogènes qu’elle subit. Le FMI,
dans le cadre des programmes d’ajustement qu’il
appuie (cf. encadré 1.1), permet de mobiliser des
financements extérieurs—ses ressources propres et
celles des bailleurs de fonds—et donc d’étaler dans le
2
1 ■ INTRODUCTION
2La demande globale est la somme de la consommation, de
l’investissement et des exportations nettes des importations. La
demande intérieure, la somme de la consommation et de
l’investissement, est aussi appelée absorption.
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temps les mesures d’ajustement, par un arbitrage entre
ajustement et financement. Les programmes
d’ajustement des pays appuyés par le FMI s’inscrivent,
en général, dans un cadre pluriannuel et sont
accompagnés de financements complémentaires.
2. Notion de programme financier
On sait qu’un programme financier est un
ensemble complet et détaillé de mesures
économiques, conçues pour atteindre des objectifs
macroéconomiques compatibles, tels que
l’augmentation de la croissance économique, la
réduction de l’inflation ou l’amélioration de la
position extérieure.
On entend par ensemble complet, un
programme global qui couvre les quatre principaux
secteurs macroéconomiques (secteur réel,
extérieur, budgétaire et financier) et dont les
objectifs et mesures envisagés sont cohérents. Pour
chacun des secteurs, les mesures envisagées
doivent couvrir non seulement les aspects relatifs
3
Notions d’ajustement et de programme financier
Encadré 1.1.
Etapes conduisant à l’approbation d’un programme financier par le FMI
Les étapes conduisant à l’approbation d’un
programme financier par le FMI peuvent être
schématisées de la façon suivante :
1. Sollicitation ou demande du pays
Les autorités, en général le Ministre des finances ou
le Gouverneur de la banque centrale du pays en
question, demandent au Directeur général du FMI ou
Directeur du département géographique concerné,
qu’une mission vienne ou que des discussions se
tiennent afin de s’entendre sur un programme financier.
2. Préparation du mandat
Les services du FMI élaborent une note analysant :
(1) la situation économique récente du pays,
accompagnée des principaux tableaux sur les différents
secteurs, mis à jour à partir des données disponibles les
plus récentes (notamment hypothèses de prix à
l’exportation et à l’importation utilisées dans les
travaux préparatifs pour la publication semestrielle
Perspectives de l’économie mondiale, et données fournies
par les autorités ou le représentant résident éventuel);
et (2) les politiques économiques et financières requises
pour redresser la situation.
Cette note, après avoir fait l’objet de circulation
interne pour commentaires et accord sur les politiques à
suivre, est approuvée par le Directeur général juste
avant le départ de la mission. Cette note, ou mandat,
donne pouvoir au chef de mission de négocier, ad
referendum, un programme financier qui pourrait être
appuyé par le FMI.
3. Elaboration du programme financier
Le programme est élaboré par une équipe du FMI et
les autorités au cours d’une mission d’environ 1 à 2
semaines d’une équipe du FMI, ou au cours de
discussions au siège du FMI à Washington. Il y a :
mise à jour des données du passé (n – 1), réestimation
des données de l’année en cours (n), projection de
l’année de programme (n + 1) dans le cadre de
projections à moyen terme (n + 1 à n + 3), en tenant
compte des financements extérieurs attendus;
appréciation de la situation économique récente, et
diagnostic de la situation projetée (n + 1);
détermination des objectifs et politiques requises à
mettre en oeuvre dans le cadre du programme;
définition des techniques de suivi du programme; et
préparation, souvent par les services du Fonds, de la
“lettre d’intention” des autorités (engagements des
autorités de mise en oeuvre de politiques économique
et financière) et éventuellement du document cadre
de politiques économiques et financières (s’il s’agit
d’un programme appuyé par la Facilité d’ajustement
structurel renforcée). Le texte est négocié avec les
autorités. S’il n’y a pas accord, les discussions sont
interrompues et l’équipe du FMI doit rendre compte
de l’état des négociations au Directeur général du
FMI et le processus reprend éventuellement au point
2 ci-dessus. S’il y a accord, les documents (lettre,
document cadre éventuel, et tableaux) sont finalisés,
sous réserve d’approbation par le conseil
d’administration du FMI.
4. Approbation du programme financier
A son retour au siège le chef de mission rend compte
au Directeur général des discussions et fait circuler au
sein du FMI pour commentaires les documents du
programme. Les commentaires éventuels sont, après
accord avec les autorités, intégrés dans les documents. Il
y a rédaction d’un rapport présentant la demande d’appui
du FMI au programme des autorités, qui doit être prêt
plusieures semaines avant la discussion de ce rapport par
le Conseil d’administration du FMI. Des engagements
fermes sur la couverture de l’écart de financement
éventuel sont obtenus. Le Conseil d’administration
discute et, en général, approuve le programme, et le
premier tirage peut être effectué immédiatement.
La durée totale de ces quatres étapes est le plus
souvent d’environ trois à quatre mois, mais elle peut
être réduite exceptionnellement à quelques semaines,
ou durer en cas de désaccord plusieurs années.
L’exercice de programmation financière de cet
ouvrage correspond à la troisième étape ci-dessus.
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aux équilibres macroéconomiques, mais aussi les
aspects structurels favorisant l’utilisation efficiente
des ressources. On entend par ensemble détaillé,
un programme ayant non seulement des objectifs
macroéconomiques, mais présentant aussi, avec un
degré de détail suffisant, les mesures concrètes qui
devront être adoptées par les pouvoirs publics, et
conduiront à la réalisation de ces objectifs chiffrés.
La programmation financière est donc une
démarche normative et quantifiée s’appuyant sur
une projection globale à moyen terme de
l’économie.
Quelle forme revêt un programme financier? En
général, un programme financier consiste en une
lettre ou un texte de plusieurs pages, qui décrit
assez précisément les intentions des pouvoirs
publics (d’où le nom célèbre de “lettre
d’intention”) en matière de politique économique
et financière, et qui est accompagné de plusieurs
tableaux comportant des données récentes et
prévisionnelles des secteurs réels, extérieur, de
finances publiques et monétaire. Ces texte et
tableaux sont adressés au Directeur général du FMI
en demandant un appui financier. S’il ne s’agit pas
d’un Accord de confirmation (accord “Stand-By”)
mais d’un Accord appuyé par la Facilité
d’ajustement structurel renforcée (FASR), le texte
et les tableaux sont également accompagnés d’un
Document cadre de politiques économiques et
financières et d’une Matrice des mesures élaborés
en collaboration avec la Banque mondiale,
décrivant les politiques économiques et financières
qui seront mises en oeuvre à moyen terme, cadre à
l’intérieur duquel s’inscrit le programme financier
qui lui-même est souvent annuel.
On peut décomposer la démarche à suivre pour
élaborer un programme financier en plusieurs
éléments3 :
• identification des problèmes économiques, de
leur nature cyclique ou structurelle, des
éléments sur lesquels les autorités peuvent agir
et des éléments qui sont hors du contrôle des
autorités; évaluation de la situation
économique future et appréciation des
déséquilibres éventuels à partir de l’élaboration
d’un scénario de référence, c’est-à-dire d’une
projection cohérente des quatres grands
secteurs en supposant la politique économique
inchangée; cette évaluation, ou diagnostic, de la
situation économique future permet aussi de
mettre en lumière quels objectifs pourraient, de
façon réaliste, être retenus dans le cadre d’un
programme, et quels types de politiques
devraient être mis en oeuvre pour les atteindre;
• détermination des objectifs à atteindre pendant
la période du programme, tels que la croissance
économique, l’inflation, et la situation des
comptes extérieurs;
• élaboration des politiques économiques requises
pour atteindre les objectifs visés, en
particulier politiques budgétaires, monétaires,
et de taux de change, ainsi que politiques
structurelles;
• préparation de projections macroéconomiques
cohérentes, incorporant les objectifs et
l’impact des mesures de politique économique;
ces projections macroéconomiques constituent
le scénario de programme; et
• intégration dans les projections
macroéconomiques cohérentes de l’utilisation
des ressources financières (notamment du FMI).
Le suivi du programme financier pourra être
effectué à partir d’un certain nombre d’indicateurs
économiques et financiers, quantitatifs (par
exemple, rester en-deçà d’un certain niveau de
crédit à l’Etat) ou qualitatifs (par exemple, mettre
en oeuvre des éléments d’une réforme fiscale). Ces
indicateurs sont en général établis en début de
programme et suivis de façon trimestrielle.
III. Aperçu général sur l’évolution
économique récente en Tunisie4
Les progrès réalisés par la Tunisie dans la voie de
l’ajustement structurel et macroéconomique
pendant la période 1986–92 constituent un bon
exemple de la transformation avec succès d’une
économie fortement réglementée et tournée vers
l’intérieur, en une économie de marché, largement
orientée vers le commerce extérieur. Cependant, le
processus d’ajustement se poursuit. La Tunisie s’est
fixé des objectifs ambitieux dans le cadre du
Huitième plan de développement (1992–96) afin
de maintenir un taux élevé de croissance
économique, taux qui est nécessaire pour améliorer
les conditions de vie et s’attaquer au problème
persistant du chômage, tout en continuant de
réduire l’inflation et de renforcer la situation du
secteur extérieur.
Après l’indépendance en 1956, la Tunisie a
adopté une stratégie dirigiste, dans laquelle l’Etat
4
1 ■ INTRODUCTION
3Pour plus de détails, cf. chapitre 12.
4Cette section, ainsi que les sections relatives à la Tunisie dans
les chapitres 7 à 10, sont extraites de IMF Occasional Paper No.
109, The Path to Convertibility and Growth: The Tunisian
Experience par Saleh M. Nsouli et al. (cf. bibliographie).
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exerçait une influence dominante sur la
production et les incitations. Cette stratégie
s’appuyait sur une réglementation généralisée, un
important secteur public et des plans successifs de
développement dans lesquels l’Etat investissait
massivement. Parallèlement, une importance
particulière était donnée au développement des
ressources humaines, ainsi qu’à la prestation de
services de santé de base, alors même qu’un vaste
système de sécurité sociale était mis en place. A la
fin des années 60, la Tunisie a modifié sa stratégie
pour encourager le développement du secteur privé
en le protégeant fortement contre la concurrence
extérieure, tout en maintenant des mesures
étendues de contrôle. Bien que la Tunisie ne
dispose que de gisements pétroliers modestes, la
brusque hausse des prix mondiaux du pétrole au
début des années 70 a permis aux autorités
d’accroître sensiblement leurs investissements et
d’accorder d’importantes augmentations de
salaires. L’ensemble des politiques décrites a été, en
partie, à l’origine de distorsions et de rigidités
économiques considérables.
Avec la chute des prix mondiaux du pétrole et la
diminution progressive des réserves de pétrole au
début des années 80, la situation du secteur
extérieur a commencé à se dégrader. Bien que,
dans un premier temps, les autorités aient
comprimé l’investissement public et freiné les
hausses de salaires, ces mesures ont été
insuffisantes pour s’attaquer aux problèmes
structurels profonds. Ainsi, malgré une
intensification des mesures de contrôle dans les
domaines du commerce extérieur et des changes,
les réserves internationales brutes ont brusquement
chuté pour ne plus couvrir, au milieu de 1986, que
quelques jours d’importations. Le chômage est
passé à un taux d’environ 15 % et certains indices
donnaient à penser qu’en l’absence d’une
modification significative de l’action des autorités,
il risquait de continuer d’augmenter rapidement.
Face à cette situation, le gouvernement tunisien a
réexaminé sa stratégie économique, conscient que
l’économie était aux prises avec de graves
distorsions et d’importantes mesures de contrôle qui
limitaient la productivité, stimulaient les activités
peu efficientes de substitution aux importations et
décourageaient l’épargne. De plus, l’absorption
massive de ressources par le secteur public entravait
la contribution du secteur privé à la croissance et à
la création d’emplois (cf. encadré 1.2).
Face à cette situation, les autorités ont amorcé
en août 1986 une stratégie d’ajustement assortie
d’un double objectif :
• améliorer l’affectation des ressources, en
éliminant la panoplie de mesures de contrôle
en vigueur (sur les prix, l’investissement, le
commerce extérieur et les changes) et en
ajustant le taux de change à un niveau réaliste;
• réduire l’absorption des administrations
publiques et améliorer la régulation
monétaire, pour libérer des ressources au
profit du secteur privé, tout en freinant la
croissance de la demande intérieure.
Cette stratégie prévoyait la mise en oeuvre de
réformes globales et, parallèlement, d’une politique
prudente de la dette extérieure pour en alléger le
service croissant. Ce faisant, la Tunisie continuait
d’honorer systématiquement le service de sa dette
extérieure, sans solliciter de rééchelonnement. Les
5
Aperçu général sur l’évolution économique récente en Tunisie
Encadré 1.2.
Conditions économiques en Tunisie avant la réforme de 1986
• Un important déficit budgétaire représentant, en
moyenne, 5 % du PIB pendant 1981–86; en
1985–86, les recettes non pétrolières
représentaient 30 % du PIB et les dépenses 40 %.
• Une politique monétaire expansionniste, alimentée,
en partie, par les besoins de financements du budget
et des entreprises publiques, ainsi que par des taux
d’intérêt réels négatifs; ces derniers ont contribué à
la hausse de la demande de prêts et aux distorsions
dans l’allocation des crédits, conduisant à une
détérioration de la santé financière du système
bancaire.
• Un secteur des entreprises publiques vaste et
inefficace, fortement dépendant de soutiens
budgétaires et de crédits bancaires.
• Un système étendu de contrôle sur les prix,
l’investissement, le commerce, le crédit et les
changes qui créait de graves distorsions pour les
décisions d’investissement et de consommation.
• Un déficit important du compte courant
extérieur, représentant 8 % du PIB en 1985–86;
ce déficit résultait d’une demande intérieure
élevée, de l’essoufflement des exportations et
d’une monnaie surévaluée contrastant avec des
termes de l’échange détériorés.
• Une dette extérieure croissante, représentant
63 % du PIB en 1986, dont le service était de
28 % des recettes de biens et services pour la
même année.
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autorités se sont attelées à libéraliser l’économie et
rétablir l’équilibre financier tant intérieur
qu’extérieur avec l’appui, à compter de 1986, du
FMI dans le cadre d’un accord de confirmation
puis d’un accord élargi de quatre ans. Dans
l’intervalle, la Banque mondiale a également prêté
son concours sous la forme d’un prêt à l’ajustement
du secteur agricole (PASA) en 1986, d’un prêt à
l’ajustement de la politique industrielle et
commerciale en 1987, de deux prêts à l’ajustement
structurel en 1988 et 1991, d’un second PASA en
1989 et d’un prêt à la réforme des entreprises
publiques en 1989.
1. Evolution de la situation économique au
cours de la période 1970–86
Pendant la période 1970–80, l’économie
tunisienne a crû rapidement (à un taux annuel
moyen de 7,4 %), mais les autorités ont pu maintenir
à la fois la stabilité financière à l’intérieur et une
vigoureuse position de la balance des paiements. Bien
qu’en pourcentage du PIB les dépenses publiques
aient suivi une tendance orientée à la hausse, le
déficit budgétaire global a été maintenu à moins de
2 % du PIB en moyenne, sauf en 1976–78, période
pendant laquelle le recul des prix mondiaux du
pétrole et des phosphates a eu des effets négatifs sur
les recettes. En raison de la politique de gestion de la
demande suivie, de la forte amélioration des termes
de l’échange et de la dépréciation du dinar en termes
effectifs réels, le déficit extérieur courant a été
maintenu à environ 6 % du PIB en moyenne au cours
de la période 1970–80. Pour l’essentiel, le
financement provenait de sources officielles,
principalement à des conditions concessionnelles, et
d’investissements extérieurs directs. En conséquence,
le ratio du service de la dette n’est passé de 10 % en
1970 qu’à 12 % en 1980, tandis que l’encours de la
dette atteignait 36 % du PIB en 1980, contre 32 %
en 1976.
Au début des années 80, la croissance rapide de
l’économie s’est accompagnée d’une intensification
du rôle de l’Etat. L’intervention de plus en plus
importante de l’Etat dans l’économie a tenu non
seulement à l’augmentation de la part des dépenses
publiques dans le PIB, mais aussi au développement
des entreprises publiques qui ont fini par dominer
plusieurs secteurs économiques. Non seulement l’Etat
possédait ou gérait une fraction importante des avoirs
productifs, mais le fonctionnement de l’économie
faisait l’objet d’une réglementation généralisée.
Exacerbant ses fonctions de réglementation, le
gouvernement a mis en place un système généralisé
de contrôles. L’affectation des ressources a été
fortement perturbée par les contrôles et diverses
incitations qui avaient pour objet d’orienter
l’investissement privé vers certains secteurs, ainsi que
par d’importantes restrictions quantitatives à
l’importation et par la protection tarifaire élevée et
complexe. Afin de protéger le secteur industriel, un
système de restrictions quantitatives et de droits de
douane élevés avait été mis en place. En même
temps, l’étroitesse du marché avait souvent amené les
pouvoirs publics à décourager toute nouvelle activité
non destinée à concurrencer les importations par des
mesures de contrôle des investissements. Avec un
nombre peu élevé de producteurs et de distributeurs,
la concurrence sur le marché intérieur était
restreinte, d’autant plus que dans le cas des
marchandises échangeables, la situation était
aggravée par les restrictions à l’importation. Afin de
protéger les consommateurs contre les répercussions
d’une concurrence réduite, des mesures généralisées
de contrôle des prix avaient été mises en place. Ces
mesures, qui fixaient les prix sur la base du coût
majoré et limitaient ainsi les bénéfices, ne sont pas
toujours parvenues à contenir l’inflation, faute
d’incitations à maîtriser les coûts de production.
Parallèlement, elles n’encourageaient pas la
production agricole en maintenant les prix en
dessous des prix internationaux. Elles ont été
complétées par des subventions aux intrants agricoles
et aux biens de consommation sensibles sur le plan
social, dont l’objet était notamment de protéger les
plus défavorisés. En outre, un régime de sécurité
sociale très développé a été mis en place et l’octroi de
subventions a été banalisé. L’ensemble de ces
orientations économiques a conduit à une rigidité
croissante du système économique et à des distorsions
de plus en plus fortes.
A partir de 1981, la situation économique et
financière de la Tunisie s’est nettement dégradée. Par
suite d’une baisse tendancielle de la production
pétrolière, d’un fléchissement de la production
minière et manufacturière et de l’impact sur les
secteurs agricole et agro-industriel de mauvaises
conditions climatiques récurrentes, l’activité
économique s’est ralentie, le taux de croissance
annuel s’établissant en moyenne à 3,3 % au cours de
la période 1981–86. En même temps, les déséquilibres
intérieurs et extérieurs se sont sensiblement aggravés
sous l’effet d’une politique financière expansionniste,
ainsi que du recul des termes de l’échange (fortement
dépendants des prix mondiaux du pétrole).
Les distorsions causées par la réglementation et
l’inefficacité du secteur des entreprises publiques ont
également contribué aux déséquilibres financiers
intérieurs et extérieurs sans cesse croissants du début
des années 80. Le secteur des entreprises publiques,
qui a joué un rôle capital dans le développement
économique de la Tunisie au milieu des années 80,
6
1 ■ INTRODUCTION
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représentait une part significative (entre un quart et
un tiers) de l’emploi, du PIB et de l’investissement.
Ainsi, en 1985 il y avait en Tunisie quelque 550
entreprises publiques. Néanmoins, pendant la même
période, la situation financière globale de ce secteur
s’est dégradée et son endettement a augmenté, de
même que son recours à l’aide de l’Etat.
En 1981–84, les autorités ont laissé la demande
intérieure s’accroître à un taux dépassant nettement
celui du PIB. Alors qu’en 1981 l’accélération de la
demande intérieure s’expliquait essentiellement par
une nouvelle augmentation de l’investissement, en
1982–84 elle a été intégralement attribuable à la
consommation, qui a été alimentée par la forte
hausse de la masse salariale dans l’économie et par
d’importants transferts de l’Etat aux sociétés et aux
ménages. En conséquence, entre 1980 et 1984,
l’épargne intérieure brute est tombée de 24,0 % du
PIB à 20,3 % et le déficit en ressources est passé de
5,4 % du PIB à 11,7 %. Toutefois, sous l’effet d’un
durcissement sensible des mesures de contrôle
applicables aux investissements et d’une compression
des investissements publics en 1985, le déficit en
ressources a été ramené à 6,1 % du PIB cette même
année.
Entre 1980 et 1984, le déficit budgétaire global a
plus que doublé en pourcentage du PIB (6,7 % en
moyenne), avant de retomber à 3,7 % du PIB en
1985. Il y eut, certes, une augmentation substantielle
des recettes, mais les dépenses budgétaires se sont
également accélérées entre 1980 et 1984, notamment
en raison de l’accroissement des déficits
d’exploitation des entreprises publiques. A cela s’est
ajoutée une forte hausse des prêts nets de l’Etat, de
sorte que non seulement la situation budgétaire de
l’Etat s’est dégradée, mais le secteur privé et les
entreprises publiques ont pu fortement accroître leur
déséquilibre épargne-investissement. La réduction
notable du déficit budgétaire en 1985 était le résultat
d’une contraction des prêts nets de l’Etat, suite à un
renforcement des contrôles sur l’investissement des
entreprises publiques.
Les effets de la politique expansionniste suivie dans
le domaine des finances publiques entre 1981 et 1985
ont été aggravés par une politique monétaire très
libérale. Le crédit a augmenté à un taux composé de
quelque 20 % par an, le crédit à l’Etat et celui à
l’économie progressant sensiblement au même
rythme moyen au cours de la période. Le taux annuel
d’accroissement de la masse monétaire au sens large
progressait à un taux composé de 16,4 % et dépassait
tous les ans, sauf pour une année, le taux de
croissance du PIB nominal de quelque 3 points de
pourcentage en moyenne.
En ce qui concerne le secteur extérieur, le déficit
des transactions courantes a plus que doublé en
pourcentage du PIB entre 1980 et 1984, année pour
laquelle il a atteint 10,9 %. Cette évolution
s’explique surtout par l’orientation à la baisse des
exportations (en particulier de produits pétroliers et
de phosphates) à cause essentiellement du fort recul
des prix mondiaux, par la diminution des recettes au
titre du tourisme et des envois de fonds des
travailleurs et par l’augmentation des paiements
d’intérêts liés à la dette extérieure publique. Le déficit
courant a pu être ramené à 7,1 % du PIB en 1985 en
raison d’une diminution sensible des importations,
attribuable au durcissement des mesures de contrôle
et des restrictions à l’importation, et d’une
compression des investissements publics. En raison
des déficits élevés successifs et du recours accru aux
marchés financiers internationaux pour les financer,
les indicateurs de la dette extérieure se sont
fortement dégradés, le ratio du service de la dette
passant à 21,6 % en 1985 et le ratio dette/PIB à
46 %. En outre, les réserves internationales officielles
brutes étaient tombées à l’équivalent d’un mois
d’importations seulement à la fin de 1985, contre
deux mois en 1980. A la fin de 1985, le
gouvernement a adopté des mesures pour contenir le
déficit extérieur courant, mais en raison de facteurs
exogènes défavorables, les mesures prises ont été
insuffisantes pour arrêter la dégradation.
Les efforts de stabilisation mis en oeuvre au début
de 1986 se sont vite révélés insuffisants face à la
dégradation des termes de l’échange, la chute de la
production des céréales en raison de conditions
météorologiques défavorables et la chute des recettes
touristiques faisant écho à un regain de tensions
régionales. Aux prises avec des déséquilibres
financiers qui devenaient intolérables, le
gouvernement a décidé d’adopter un programme
d’ajustement global pendant le deuxième semestre de
1986 en vue d’améliorer durablement la croissance et
de rétablir les équilibres financiers à moyen terme. Ce
programme prévoyait l’adoption d’une politique
rigoureuse en matière de gestion de la demande,
l’amélioration significative de la compétitivité,
l’élimination progressive des contrôles étatiques et le
renforcement du rôle du marché.
2. Réformes mises en oeuvre pendant la
période 1986–925
Dans le secteur extérieur, à la suite de réformes
rigoureuses, la performance des exportations s’est
raffermie, notamment en raison d’une forte
7
Aperçu général sur l’évolution économique récente en Tunisie
5Les chapitres 7 à 10 reviennent en détail sur les
développements sectoriels au cours de cette même période, à
l’exception des réformes structurelles qui sont décrites plus en
détail dans cette section.
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dépréciation réelle du dinar tunisien en 1986–87,
et les indicateurs d’endettement extérieur ont
commencé à s’améliorer.
Entre 1986 et 1992, les autorités ont adopté des
réformes pour redresser la situation des finances
publiques et réduire l’absorption des
administrations. Les réformes fiscales ont
essentiellement consisté à mettre en place une
taxe sur la valeur ajoutée et à adapter l’impôt sur le
revenu. Les réformes des dépenses publiques
visaient la baisse des ratios des dépenses courantes
et des dépenses en capital au PIB. Ces efforts n’ont
pas été immédiatement couronnés de succès et le
déficit budgétaire global n’a pu vraiment régresser
qu’en 1992, même si la politique de finances
publiques avait été rapidement modifiée pour
atténuer les effets de facteurs exogènes
défavorables. Entre 1986 et 1992, il y eut un
changement dans la nature du financement du
déficit budgétaire, le financement non bancaire
remplaçant peu à peu, en termes nets, le
financement extérieur et le financement intérieur
bancaire. Ce nouveau mode de financement a été
rendu possible grâce au lancement par le Trésor de
titres sur le marché.
Dans le secteur financier, les réformes ont visé
l’amélioration de la régulation monétaire,
l’encouragement du développement des marchés
financiers et le renforcement du système bancaire.
Les autorités ont mené la politique monétaire en
harmonie avec le développement du secteur privé,
tout en veillant à réduire les déséquilibres
financiers. Des réformes parallèles ont permis
d’améliorer l’intermédiation financière, d’étendre
les circuits financiers et d’adopter de nouveaux
instruments financiers.
Entre 1986 et 1992, les réformes structurelles
ont joué un rôle capital pour transformer
l’économie tunisienne en une économie de
marché, notamment, les actions prises pour
démanteler le système généralisé de contrôle des
prix. Le programme complet de réformes
structurelles que le gouvernement a lancé en 1986
visait à améliorer l’allocation des ressources, tout
en favorisant la croissance par une stratégie axée
sur l’exportation, étant donné l’étroitesse du
marché intérieur. Afin de porter la compétitivité
au niveau nécessaire pour que cette stratégie
réussisse, les autorités ont cherché à renforcer la
productivité globale par une intensification de la
concurrence, tout en encourageant la mobilisation
des ressources et leur orientation vers
l’investissement productif. Les principaux éléments
du programme de réformes étaient les suivants :
libéralisation des prix et des échanges, des taux
d’intérêt et de l’investissement; réforme du secteur
des entreprises publiques; rationalisation des
incitations à l’investissement; et réforme des
dispositifs de protection sociale.
La réforme du secteur des entreprises publiques
était considérée comme un élément clé de la
restructuration globale de l’économie. Afin de
réduire la charge que représentaient les entreprises
publiques pour le budget et d’améliorer l’allocation
globale des ressources dans l’économie, le
gouvernement a décidé en 1986 de réduire
l’importance de ce secteur, en transférant la
direction de nombreuses entreprises à des
actionnaires privés ou en privatisant les
entreprises. La réforme visait également à
améliorer la situation des entreprises qui devaient
rester sous tutelle de l’Etat en les restructurant et
en clarifiant leurs relations avec ce dernier. Les
efforts structurels ont redoublé depuis 1989 pour
restructurer, liquider ou privatiser diverses
entreprises publiques, en leur accordant davantage
d’autonomie, en établissant des contrats-
programmes pour certaines d’entre elles ou en
amorçant la première phase de la privatisation des
petites et moyennes entreprises.
Une nouvelle loi sur les entreprises publiques,
adoptée au début de 1989, a fait passer de plus de
33 % à plus de 50 % le niveau minimum du capital
que l’Etat devait détenir pour qu’une entreprise
restât publique. Le nombre des entreprises
publiques répondant à ce nouveau critère était de
quelque 200, dont 150 environ produisaient des
biens et services commercialisés. Cette loi a
également conféré aux entreprises restant sous
tutelle de l’Etat davantage d’autonomie en matière
de gestion, l’objectif étant de passer d’un contrôle
ex ante à une évaluation ex post. Cette évaluation
devait se faire en fonction des objectifs spécifiques
inscrits dans les contrats-programmes conclus
entre les entreprises concernées et l’Etat. Ces
contrats-programmes triennaux précisaient les
obligations respectives des entreprises, en termes
d’objectifs économiques, financiers et de gestion,
et de l’Etat, y compris celles concernant
l’approbation des tarifs, la fixation des prix et les
aides attendues. Les contrats étaient conçus de
façon que les entreprises soient gérées sur une base
technique et financière durable, dans des
conditions quasi-commerciales. En outre, pour
certaines entreprises publiques, les programmes de
restructuration devaient être élaborés de manière à
rationaliser les opérations et les investissements et
à réorganiser la structure financière.
Au cours de la première phase, le programme de
privatisation a été axé essentiellement sur les
petites et moyennes entreprises. Après la vente
d’entreprises qui étaient relativement saines
(hôtels, entreprises de textiles, de construction
mécanique ou de matériaux de construction, par
8
1 ■ INTRODUCTION
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9 9 |
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exemple), l’Etat s’est graduellement désengagé des
entreprises déficitaires. Au début de 1993, quelque
40 entreprises publiques avaient déjà été
privatisées (par voie de vente des actifs dans 28 cas
et du capital dans les autres). En ce qui concerne
les entreprises qui devaient rester dans le secteur
public, des contrats-programmes étaient en place à
la fin de 1992 pour sept d’entre elles dans les
secteurs des transports, de l’énergie, des mines et
du bâtiment. En outre, une étude complète et
détaillée a été préparée sur la restructuration du
principal conglomérat de l’industrie chimique.
Certains indices donnent à penser que les résultats
économiques de l’ensemble du secteur des
entreprises publiques se sont améliorés depuis
1987, malgré la progression des frais financiers.
Bien que l’endettement total de ce secteur se soit
ralenti, la part de la dette à court terme a continué
d’augmenter. Les processus de désengagement de
l’Etat et de privatisation ont pris plus de temps que
prévu, car les travaux préparatoires ont été plus
complexes et plus longs à réaliser qu’initialement
envisagé et la mobilisation des ressources
financières s’est révélée être une forte contrainte.
La seconde phase du processus de privatisation,
amorcée au début de 1993, vise les grandes
entreprises rentables, à privatiser par la vente de
leur capital. A partir de 1993, le processus devrait
s’accélérer sensiblement du fait de l’élaboration
d’un programme de privatisations complet et du
renforcement de son exécution. On s’attend en
outre à ce que l’expérience acquise en matière
d’élaboration des contrats-programmes facilite la
rédaction des futurs contrats de cession.
Au cours de la deuxième moitié des années 80,
d’autres mesures de libéralisation on été mises en
oeuvre. Ainsi, un nouveau cadre juridique,
accompagné de réformes fiscales, a été conçu pour
encourager les investisseurs privés en réduisant les
obstacles qui entravent leur accès au marché et en
s’attaquant aux distorsions fiscales. Des travaux
sont en cours pour mieux harmoniser les
incitations par l’adoption d’un code unifié des
investissements, prévoyant pour les divers secteurs
un régime uniforme. Dans le domaine des
importations, les restrictions quantitatives ont été
réduites et les droits de douane abaissés et
rationalisés. Enfin, dans le cadre de sa stratégie
tournée vers l’extérieur, la Tunisie a pris des
mesures pour éliminer progressivement le contrôle
des changes, la monnaie étant convertible, depuis
début janvier 1993, pour les transactions courantes
ainsi que pour les transactions en capital des non-
résidents.
La Tunisie a accordé une priorité élevée au
développement social, à la réduction de la
pauvreté, ainsi qu’à la protection de la population
grâce à un système de sécurité sociale comportant
plusieurs caisses. Les indicateurs sociaux se sont
considérablement améliorés pendant les années 80
et sont actuellement plus élevés que dans nombre
de pays où le niveau de revenu est analogue.
Pendant la période d’ajustement, les autorités ont
pris des mesures pour atténuer les difficultés des
populations défavorisées et pour stimuler le
développement des secteurs sociaux. Les autorités
continuent leurs efforts en vue d’améliorer la
situation sur le plan social :
• en fournissant des ressources suffisantes aux
secteurs sociaux;
• en ciblant mieux les subventions au profit des
plus défavorisés;
• en étendant la couverture de la sécurité sociale
aux travailleurs indépendants et aux
travailleurs agricoles.
3. Bilan des réformes et défis à la fin de 1992
Les réformes mises en oeuvre ont contribué :
• à une accélération généralisée de l’activité
économique, la croissance réelle ayant presque
doublé entre 1982–86 et 1987–92;
• à une hausse, à compter de 1989, du ratio
investissement fixe brut/PIB, reflétant la forte
augmentation de l’investissement du secteur
privé qu’a rendue possible une amélioration de
l’épargne hors administration centrale;
• à un renforcement de la situation du secteur
extérieur, notamment en raison de
l’augmentation et de la diversification des
exportations;
• à une diminution de l’endettement extérieur et
des ratios du service de la dette;
• à une réduction substantielle des tensions
inflationnistes favorisée par la libéralisation de
l’économie et l’application d’une politique
financière restrictive.
Pour atteindre les objectifs du Huitième plan de
développement des défis restent à relever : il faudra
améliorer encore l’efficience de l’économie et
mobiliser davantage l’épargne intérieure. A cet
effet, la Tunisie poursuit énergiquement ses
réformes dans un certain nombre de domaines. Les
autorités envisagent d’éliminer les dernières
mesures de contrôle des prix et des échanges pour
améliorer davantage l’allocation des ressources; de
rendre le marché du travail plus souple afin
9
Aperçu général sur l’évolution économique récente en Tunisie
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d’ajuster plus étroitement les rémunérations à la
productivité et de favoriser la création d’emplois;
d’adopter un code unifié des investissements en vue
d’harmoniser les incitations entre tous les secteurs;
d’établir un marché des changes qui servira de
cadre pour la fixation du taux de change; d’achever
la réforme du secteur bancaire et du secteur
financier de façon à renforcer l’intermédiation
financière; d’accélérer la restructuration et la
privatisation des entreprises publiques afin à la fois
de réduire la dépendance de ce secteur à l’égard du
budget et de développer le secteur privé; de réduire
le déficit budgétaire en vue de diminuer
l’absorption du secteur public et de continuer à
améliorer la structure de la dette de la Tunisie; de
poursuivre l’application d’une politique de rigueur
dans le domaine monétaire dont l’objet est à la fois
de freiner les pressions de la demande intérieure et
d’appuyer le développement du secteur privé. A la
lumière de ces objectifs, il convient de considérer
les succès enregistrés par la Tunisie dans ses efforts
d’ajustement comme la base sur laquelle les
autorités peuvent continuer de travailler à la
prospérité du peuple tunisien.
10
1 ■ INTRODUCTION
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