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février 2007 39mars 2007
Ag
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Fr
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t
document
de travail
Accords de partenariat économique
et dynamique des flux commerciaux régionaux
Etude réalisée par :
Benoît Faivre Dupaigre, IRAM, (b.faivredupaigne@iram-fr.org)
Vanessa Alby-Flores, IRAM, (v.flores@iram-fr.org)
Borgui Yerima, IRAM, (b.yemira@iram-fr.org)
Ann Vourc’h, IRAM, (ann.vourc’h@tele2.fr)
Anna Lipchitz, AFD, (liptchitza@afd.fr)
Philippe Chedanne, AFD, (chedannep@afd.fr)
Agence Française de Développement
Direction de la Stratégie
Département de la Recherche
5 rue Roland Barthes
75012 Paris - France
www.afd.fr
Département de la Recherche
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Sommaire
© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique... 2
1. Position du problème 4
2. La méthode de travail et l’interprétation des données 5
3. Rappel sur le processus d’intégration régionale 6
4. La réalité des échanges avec la mise en place du TEC UEMOA 7
5. Les effets attendus de l’APE 9
6. Des hypothèses d’explication des “paradoxes” de l’évolution des flux 10
6.1 Des facteurs politiques et économiques généraux 10
6.1.1 La fluctuation des taux de change 10
6.1.2 L’insécurité dans des zones en conflit 10
6.1.3 Le tropisme du Nigeria 10
6.2 Les entraves liées aux dysfonctionnements des administrations 11
6.2.1 Des surtaxations indues 11
6.2.2 Les exigences administratives aux douanes 11
6.3 Les comportements opportunistes 12
6.3.1 Les minorations des valeurs déclarées 12
6.3.2 Les sous-taxations 12
6.4 Les abus de pouvoir 12
6.5 Les défaillances de gouvernement : le contournement des accords 13
6.5.1 Les dédouanements forfaitaires 13
6.5.2 Les importations liées 13
6.5.3 Les quotas de droits de douane 13
6.5.4 Les exemptions de TVA 13
6.5.5 Les négociations par branche 13
6.6 Les obstacles techniques et administratifs au commerce 14
6.6.1 Les obstacles administratifs 14
6.6.2 Les normes 14
6.6.3 Les règles d’origine 14
6.7 Les défaillances de marché 14
6.7.1 Les caractéristiques de l’offre 14
6.7.2 Les caractéristiques de la demande 15
6.7.3 La limite des disponibilités financières (absence de marché du crédit) 15
6.7.4 Stratégie des opérateurs et pouvoir de marché 15
6.7.5 Conclusion sur les défaillances de marché 16
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7. Quelle perspective d’une application effective d’une ZLE ? 17
7.1 Les perspectives de modification des flux commerciaux intra-régionaux 17
7.2 Le poids des différentiels de productivité 17
7.3 Les leçons de l’expérience 18
8. Conclusion 19
8.1 Les enjeux des négociations sur les APE 19
8.2 Les pistes de collaboration pour accompagner les négociations 20
Sommaire
© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique... 3
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1. Position du problème
© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 4
L’Accord de Cotonou, signé en juin 2000, a comme objectif cen-
tral « de réduire et d’éradiquer la pauvreté, en cohérence avec
les objectifs du développement durable et d’une intégration pro-
gressive des pays ACP dans l’économie mondiale » (article 1).
Pourtant, plusieurs voix se sont élevées qui questionnent les
moyens d’arriver à ce résultat et, en définitive, les intentions
réelles des dispositions contenues dans l’Accord de Cotonou.
Des pays ACP, le Parlement européen, certains Etats membres
– Royaume-Uni et Belgique en premier lieu – ont émis des
réserves quant à l’impact réel des APE (Accords de partenariat
économique) en termes de développement.
Les controverses, alimentées par les ONG, sur les implications
des engagements à l’OMC pour la modification des relations
asymétriques des Accords de Lomé, mettent en exergue les
mauvaises raisons – selon elles – induites par les contraintes de
l’OMC et alimentent ainsi la suspicion sur les motivations de la
Commission européenne. Elles éveillent les soupçons sur les
intentions réelles de l’Union européenne et des lobbies écono-
miques en ce qui concerne la facilitation de leurs exportations en
direction des pays ACP.
Le président Jacques Chirac, pour sa part, semblait se joindre
aux critiques en affirmant, lors du sommet France-Afrique de
Bamako (le 03/12/2005), qu’« il faut enfin revoir la logique des
accords que l’Europe va négocier avec les pays ACP : décloi-
sonner les espaces économiques, très bien, mais à un rythme
raisonnable et en maintenant, en permanence, des préférences
sans contrepartie ».
Afin de contribuer à l’élaboration d’une position française, un
groupe de travail interministériel de réflexion sur les APE s’est
constitué auquel participent la DGTPE pour le ministère de
l’Economie et des Finances, la DGCID pour le ministère des
Affaires étrangères et l’AFD.
L’objet de cette étude est donc d’alimenter une réflexion au
sein de l’administration française - et au-delà - sur l’impact,
en termes de développement, de la mise en place des APE.
Précisons qu’il s’agit de prendre en considération les atten-
dus des APE dans leur dimension développement plutôt que
d’envisager le volet développement de l’Accord de Cotonou. En
effet, les APE distingue deux volets : un volet développement
(en finançant des projets de coopération) et un volet commercial
(en instaurant une zone de libre-échange). Néanmoins, le volet
commercial, en allégeant les obstacles au commerce généra-
teurs de distorsions, devrait contribuer, en théorie, à la dimen-
sion développement
Le lien précis entre commerce et développement est explicite
dans les articles 34 à 37. Le démantèlement tarifaire y est placé
comme élément déterminant du développement des échanges
et du renforcement de la compétitivité.
Or, le démantèlement tarifaire est-il une condition suffisante à la
levée des « entraves aux échanges» et, partant, au développe-
ment des échanges ? En premier lieu, il faut tenir compte du fait
que les droits de douane pesant sur les importations ont déjà été
fortement réduits dans la dernière décennie dans les pays étu-
diés - à l’exception du Nigeria – ce qui, par définition, réduit l’im-
pact potentiel du désarmement tarifaire sur les prix et les flux
commerciaux ; en second lieu, de multiples obstacles d’une
nature autre que tarifaire peuvent faire échec à la dynamisation
des échanges censée résulter d’un désarmement tarifaire.
L’étude est alors structurée de la façon suivante. Les constats
faits sur l’évolution du commerce intra-régional d’un échantillon
de produits à la suite du processus de libéralisation qu’a consti-
tué la mise en œuvre du tarif extérieur commun de l’UEMOA,
montrent des évolutions qui correspondent peu aux attentes. On
peut en effet mettre en évidence de façon très concrète des fac-
teurs de limitation au développement des échanges que sont les
multiples défaillances de marché et des défaillances ou insuffi-
sances de gouvernement qui limitent l’effet potentiel d’un désar-
mement tarifaire sur les prix ou qui diminuent l’importance du
prix comme signal efficace pour les opérateurs économiques. Si
les barrières douanières ne sont donc pas le principal obstacle
au commerce, les Etats engagés dans le processus de
construction de la future zone de libre-échange d’Afrique de
l’Ouest doivent proposer un accompagnement justifié pour que
les APE favorisent réellement le commerce intra-régional.
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© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 5
L’analyse repose sur des recherches menées dans six
pays de la CEDEAO que l’on sait représenter la diversité
des situations vis-à-vis du commerce régional, soit en
tant que pôles de consommation, zones de transit pour
les marchandises ou pays de production importante pour
la région. Il s’agit du Bénin, du Ghana, du Mali, du Niger,
du Nigeria et du Sénégal. La Côte d’Ivoire a été prise en
considération à travers ses statistiques du commerce
extérieur. Treize produits principaux ont été retenus
(bovins, maïs, oignons, riz, tomate, engrais, ciment, tex-
tiles, vaisselle plastique, huile alimentaire, boisson,
ustensiles de cuisine en aluminium, savon) correspon-
dant à 287 lignes tarifaires. Au-delà des difficultés impor-
tantes pour collecter l’information, établir des formats
comparables des données et manipuler des bases volu-
mineuses, il a fallu prendre garde à leur utilisation car il
s’est avéré que de nombreuses transactions compor-
taient des informations erronées liées à la non prise en
compte du commerce informel, des erreurs d’application
des droits, des erreurs sur les origines, etc.
L’existence de ces erreurs n’est pas neutre. Elle pose des
questions en termes de gouvernance puisque les décisions
de politique du commerce extérieur reposent sur des bases
fragiles. Elles révèlent aussi une certaine démobilisation de
l’administration des douanes et une fragilité de la puissan-
ce publique face aux intérêts particuliers des opérateurs.
Certaines erreurs sont certes involontaires, liées à des dis-
positifs d’enregistrement incomplets et perfectibles, mais
beaucoup relèvent sans doute de stratégies d’acteurs
(douaniers et importateurs) dont l’intérêt commun serait le
partage de la baisse des tarifs appliqués 1. Ainsi, les impor-
tateurs cherchent à minorer l’assiette de taxation des pro-
duits en leur attribuant une moindre qualité et donc une
plus faible valeur marchande lors des déclarations en
douane. Les erreurs sur les origines sont aussi fré-
quentes avec comme conséquence la possibilité pour les
produits de bénéficier d’une franchise de droit de douane
en vertu de leur prétendue origine communautaire.
2. La méthode de travail et l’interprétation des données
1 Il y a quatre conditions pour que la tarification soit correctement appliquée : i) l’exacte caté-
gorisation des produits, ii) la justesse de la déclaration de provenance, iii) l’exactitude de la
déclaration de valeur et iv) l’application correcte des règles d’origine.
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© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 6
Les relations commerciales entre l’UEMOA, la CEDEAO
(hors UEMOA), l’Union européenne et le reste du monde
évoluent dans le sens d’une plus grande intégration com-
merciale. On considère que les périodes charnières sont :
la mise en place du TEC UEMOA à partir du 1er janvier
2000 même si les produits du cru circulent librement théo-
riquement depuis juillet 1996 ;
la mise en place de la ZLE CEDEAO, à partir du 1er jan-
vier 2006 ;
la mise en place du TEC CEDEAO, à partir de la fin de la
période de transition, c’est-à-dire à partir du 1er janvier
2008 ;
la mise en place de l’APE qui coïncidera dans sa phase
transitoire avec la mise en place du TEC CEDEAO mais qui
sera achevée en 2020.
La mise en place du TEC UEMOA a été un processus
descendant, élaboré au niveau de la Commission de
l’UEMOA et qui s’est peu à peu imposé aux Etats
membres à partir de 1996. La catégorisation en quatre
classes et la mise en œuvre des mécanismes de prélè-
vement, selon le principe de transit à partir du 1er janvier 2000,
marquent l’acte de naissance de l’Union douanière. Mais pour
parachever le travail, il a fallu préciser les règles d’origine et se
lancer dans une démarche d’harmonisation des législations
fiscales intérieures aux Etats.
Le principe du TEC CEDEAO est une copie du TEC
UEMOA. Des exceptions sont prévues pour une pério-
de transitoire s’étalant jusqu’au 1er janvier 2008 pour
environ 1 900 produits, présentés par les Etats
membres. On peut admettre que, globalement, sa mise
en oeuvre correspond à une baisse des droits de doua-
ne des pays de la CEDEAO non-UEMOA si l’on tient
compte du poids du Nigeria dans cette entité. Cela ne
devrait pas manquer d’engendrer des modifications
importantes des flux régionaux.
Mais les perspectives d’évolution du commerce régional doi-
vent être formulées au regard de ce qui a été constaté lors de
la mise en place du TEC UEMOA et qui souvent remettent en
question des anticipations fondées sur un fonctionnement
conventionnel des marchés.
3. Rappel sur le processus d’intégration régionale
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© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 7
Il est impossible de dégager une tendance claire d’évo-
lution du commerce intra-régional CEDEAO depuis le
milieu des années 1990.
Les pays de l’UEMOA apparaissent comme ceux qui
ont le plus développé d’échanges avec leurs voisins,
leurs exportations variant dans une fourchette de 16 %
à 58 % (on peut avoir à l’esprit que le commerce intra-
UE représente entre 65 et 70 % du commerce total de
l’UE, ce qui, par comparaison, dénote un niveau d’inté-
gration assez faible de la CEDEAO). Cependant, les
exportations extra-communautaires sont la plupart du
temps supérieures aux exportations des pays vers
leurs partenaires de la CEDEAO.
Lors de la mise en place du TEC, la Commission tablait
sur une croissance des échanges intra-UEMOA pour
atteindre 25 % du commerce total à la fin de l’année
2005. Le commerce devait croître plus rapidement
entre les pays de la zone UEMOA qu’avec l’extérieur
compte tenu du différentiel de désarmement tarifaire
qu’impliquait la création de la ZLE par rapport aux
échanges avec les pays tiers. Les produits transformés
devaient doublement bénéficier de l’abaissement des
tarifs pour gagner des parts de marché régional grâce
à la diminution des droits payés sur les intrants achetés
à l’extérieur, et grâce aux opportunités de vente
accrues avec la libre circulation. Les produits du cru qui
circulaient pour certains en franchise de douane depuis
1996 ou de façon informelle étaient peu concernés par
la mise en place du TEC et pouvaient avoir à craindre
d’une augmentation de la pression concurrentielle des
produits importés de pays tiers. On pouvait donc s’at-
tendre à une assez forte diversion de commerce.
L’objectif escompté n’a pas été atteint. Tout s’est passé
comme si les pays fortement ouverts sur l’extérieur
(Sénégal et RCI) avaient profité du TEC pour certes
commercer avec leurs voisins mais surtout développer
des échanges (importations) avec l’extérieur. La haus-
se des échanges régionaux de ces deux pays est ainsi
masquée par la forte progression du commerce total :
les deux augmentations se font dans les mêmes proportions.
Le pays le plus « intégré » - en l’occurrence le Mali –
disposant de peu de marges de manœuvre sur le mar-
ché régional, a rapidement profité (en 2000) de la libé-
ralisation intérieure avant de buter sur les limites du
marché régional et de pâtir de l’ouverture accrue des
frontières externes qu’entraîne l’adoption du TEC.
Les autres pays en position intermédiaire – et qui pour
certains sont enclavés - n’ont pas épuisé leurs opportu-
nités d’expansion du commerce régional et bénéficient
de protections naturelles à l’import. Leur part du com-
merce régional a cru. Toutefois, les tendances n’ont
pas fondamentalement varié avant et après l’année
2000. Si l’on regarde la répartition des hausses et des
baisses par pays, il semble que les pays qui majoritaire-
ment ont profité pour leurs exportations du désarmement
tarifaire au sein de la zone sont les pays ayant une base
industrielle assez forte ; mais l’exemple du Mali est là
pour démentir cette hypothèse hâtive. Au Bénin comme
au Togo, c’est l’attrait exercé par le trafic de réexporta-
tion vers le Nigeria qui détermine la dynamique commer-
ciale plus que les modifications de tarif entre ces pays et
les autres partenaires d’Afrique de l’Ouest.
Finalement, chaque pays est un cas particulier dont le
comportement du commerce s’explique plutôt par les
relations qu’il entretient avec ses voisins immédiats et
par la façon dont il s’est accommodé de la mise en
œuvre du TEC.
L’analyse produit par produit montre quelques réorientations de
flux. Pour le bétail, tout se passe comme si la mise en place de
la zone de libre-échange au sein de la CEDEAO (avec le certi-
ficat sanitaire unifié) avait dynamisé le commerce régional de
bétail. En fait, il faut surtout y voir un effet de diversion des
4. La réalité des échanges avec la mise en place du TEC UEMOA
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échanges initialement en direction de la Côte d’Ivoire avec une
diminution de 25 à 6 millions FCFA des livraisons vers ce pays
entre 2001 et 2002. Dans de nombreuses situations, on obser-
ve une progression importante des achats en dehors de
l’UEMOA (maïs) et apparemment peu d’effet sur les échanges
intra-communautaires, ce qui traduit l’incapacité de la produc-
tion régionale à soutenir la concurrence.
Mais pour d’autres produits, la mise en place du TEC
semble n’avoir eu aucune influence. Certains produits
très pondéreux (ciment, engrais, etc.) ont une part des
coûts de transport telle que le tarif douanier a un poids
insignifiant dans le prix final. On peut alors s’attendre à
ce qu’une modification des droits de douane change peu
l’orientation du commerce, voire ne change rien.
© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 8
4. La réalité des échanges avec la mise en place du TEC UEMOA
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© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 9
La logique de l’APE permet difficilement de prédire l’in-
tensité des flux entre l’UEMOA et le reste de la
CEDEAO. Les produits importés de l’Union européenne
pourront avoir une influence sur la dynamique des
échanges : grâce aux importations bon marché en pro-
venance de l’UE, la CEDEAO hors UEMOA pourrait
accroître la rentabilité de ses entreprises et bénéficier
ainsi d’une compétitivité-prix plus forte que les produits
issus de pays de l’UEMOA qui accédaient déjà à des
inputs européens moins taxés. Rien ne dit que ces pro-
duits plus compétitifs seront exportés vers l’UEMOA
plutôt que vers l’UE. Si la création de commerce
semble certaine, sa direction est incertaine.
Mais la spécificité du Nigeria jouera un rôle prépondé-
rant dans les logiques commerciales. Deux effets sont
prévisibles : il peut y avoir un appel de produits régio-
naux vers le Nigeria dans la mesure où les tarifs bais-
seront pour lui, mais il peut aussi y avoir simplement
diminution du commerce ou passage au commerce for-
mel, pour les anciens pays qui réexportaient vers lui
lorsqu’il imposait des prohibitions. La hausse du com-
merce intra-régional masquerait alors l’incorporation,
dans les statistiques officielles, d’une partie du com-
merce informel non enregistré au préalable.
5. Les effets attendus de l’APE
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© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 10
La question qui se pose est, au-delà des « anomalies »
dans le commerce, de déceler les facteurs qui expli-
quent que le commerce intra-régional n’ait pas bénéfi-
cié de façon claire de la mise en place du TEC. Cette
relecture de l’évolution économique et politique de la
région doit nous conduire à questionner les perspec-
tives annoncées avec la mise en œuvre de l’union
douanière CEDEAO et d’une ZLE avec l’Union euro-
péenne.
Les explications qui peuvent être données sont mani-
festement de deux ordres :
en dehors de toute considération de politique com-
merciale ou de stratégie des acteurs, il existe des
contraintes qui s’exercent sur le commerce et qui déter-
minent certaines orientations données aux flux com-
merciaux et à leur intensité. Du point de vue des
acteurs du commerce, ce sont des facteurs exogènes ;
mais il y a aussi un certain nombre d’entraves au
commerce motivées par des décisions administratives,
qui relèvent de défaillances de gouvernement, et par
des défaillances de marché qui en particulier résultent
de la rationalité des opérateurs économiques dans le
contexte spécifique de l’Afrique de l’Ouest.
6. Des hypothèses d’explication des “paradoxes” de l’évolution des flux
6.1 Des facteurs politiques et économiques généraux
6.1.1 La fluctuation des taux de change
C’est un facteur d’incertitude qui affecte en particulier les
opérations de cycle long. Les commerçants de bétail ont
souvent été pénalisés lorsque la dépréciation de la Naira
vis-à-vis du FCFA annulait toutes les marges des commer-
çants entre la conclusion de l’achat en Naira et le temps
d’acheminement du bétail sur pied jusqu’à destination. A
l’inverse, les achats de riz dans l’UEMOA sont dopés
lorsque la Naira se réapprécie.
6.1.2 L’insécurité dans des zones en conflit
Le contexte politique est un facteur important de choix des
destinations de la part des opérateurs en dehors de consi-
dérations de prix. L’insécurité qui peut régner sur les routes
ou le délitement de l’état de droit qui réduit les possibilités
de résoudre des litiges financiers et commerciaux réduit
l’attrait de destinations pourtant économiquement rentables
à court terme. De façon générale, les pouvoirs publics ont
été surpris par la capacité d’adaptation des opérateurs éco-
nomiques suite à la crise ivoirienne. Sans doute avaient-ils
surestimé le niveau réel d’interdépendance économique et
d’intégration régionale. Sinon, comment expliquer qu’avec
40 % de l’activité économique de la zone UEMOA, l’empê-
chement du transit par la Côte d’Ivoire et du commerce
avec ce pays aient eu si peu d’impact sur l’économie des
autres pays ?
6.1.3 Le tropisme du Nigeria
Le Nigeria adopte une politique commerciale hétéro-
doxe. La politique commerciale de ce pays contraste
fortement avec celle de ses voisins par son instabilité
et sa tendance plutôt protectionniste. Ainsi, alors que la
fourchette tarifaire est passée de 0-300 % à 0-150 %
entre 1995 et 2000, le gouvernement continue de prati-
quer des droits de douane élevés sur certains produits
et d’interdire l’importation d’autres. Les produits du cru
originaires d’Afrique de l’Ouest n’échappent pas à ces
restrictions.
Pourtant, la politique de prohibition du pays a une effi-
cacité limitée. La plupart des produits prohibés (huiles
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© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 11
6. Des hypothèses d’explication des “paradoxes” de l’évolution des flux
végétales, farine de blé, boissons non alcoolisées, pré-
parations sucrées, tissus en coton et plusieurs autres
textiles, les baignoires, sièges, cuvettes et articles
domestiques en plastique, etc.), entrent dans le pays et
sont officiellement enregistrés. L’inefficacité de cette
politique est d’autant plus persistante que la production
domestique des produits prohibés est structurellement
déficitaire par rapport à la demande.
6.2 Les entraves liées aux dysfonctionnements des administrations
Les dysfonctionnements ont une portée politique différente
selon qu’il s’agit du produit de pratiques intentionnelles ou
involontaires de la part de ceux qui les exercent. On doit
reconnaître, dans certains cas, des défauts d’application
des règles par méconnaissance ou manque de rigueur.
Parmi les pratiques approximatives de la législation, on
peut citer le cas de la TVA. L’imposition de la TVA sur les pro-
duits agricoles importés apparaît comme la pratique la plus
répandue. L’incompréhension d’une majorité d’exportateurs de
l’UEMOA qui se plaint de l’acquittement de la TVA lors du fran-
chissement des frontières internes résulte de l’inefficience des
mécanismes de compensation entre pays. Ainsi, un commer-
çant de bétail qui se serait acquitté de la TVA dans son pays
d’origine et qui se verrait taxé dans son pays de destination
aura du mal à faire valoir auprès des autorités du pays de vente
final le paiement de la TVA au départ. Les exemples de double
imposition de la TVA sont nombreux et cette pratique est d’au-
tant plus injuste pour les opérateurs que certaines importations
de marchandises identiques en sont exemptes.
6.2.1 Des surtaxations indues
L’application de la tarification se fait parfois à la hausse ce
qui ne peut cacher une quelconque connivence entre le
douanier et l’importateur. Des responsables des Douanes
reconnaissent d’ailleurs qu’il s’agit d’une mauvaise applica-
tion de la réglementation qui résulte du fait que certains
douaniers exigent des certificats d’origine – qui n’ont pas
lieu d’être depuis décembre 2002 pour les produits du cru
– et que, en leur absence, le droit de douane est appliqué.
Dans certains cas, la distinction entre importations de
l’UEMOA et de pays tiers n’est pas faite.
6.2.2 Les exigences administratives aux
douanes
Le transport des marchandises en transit constitue un pro-
blème majeur pour les pays enclavés. En effet, les mar-
chandises arrivent principalement au port de Cotonou et
dans une moindre mesure à ceux de Lomé, de Téma et
d’Abidjan ou de Dakar. Dans tous les cas, les marchan-
dises à destination de pays du Sahel circulent en transit par
un pays, voire deux ou trois. Cela multiplie les frais de
transport, les faux frais, les temps d’acheminement et les
risques de perte de marchandises. Selon les opérateurs
rencontrés, ce problème se pose avec le plus d’acuité sur
le corridor Cotonou-Niamey.
Au niveau de la CEDEAO, le transit routier est régi par les
conventions TIE (transport routier inter-Etats)2 et TRIE
(transit routier inter-Etats des marchandises) 3.
2 Le TIE a pour objet de définir les conditions dans lesquelles doivent s’effectuer les trans-
ports routiers Inter – Etats au sein de la CEDEAO.
3 La Convention TRIE permet le transport de marchandises en transit, en suspension des
droits et taxes d’un Etat membre à un autre Etat membre.
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En vertu de ces accords, un seul document de douane doit
suffire à un chargement arrivant dans un port et devant être
acheminé dans un pays tiers. En principe, donc, un charge-
ment devrait circuler sans être arrêté, avec un seul formulaire
de douane et une seule assurance (pour couvrir le risque de
déchargement avant l’arrivée à destination et le règlement des
droits de porte et taxes intérieures). En pratique, les adminis-
trations des différents pays traversés n’appliquent pas cette
convention ; les contrôles sont multiples à tous les niveaux de
la chaîne de transport.
6. Des hypothèses d’explication des “paradoxes” de l’évolution des flux
© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 12
6.3 Les comportements opportunistes
Un rapport du Vérificateur général du Mali (l’équivalent de notre
Cour des comptes) dresse un tableau très critique du respect
des règles douanières de la part des fonctionnaires : « Diverses
connivences entre certains opérateurs économiques et des
agents de l’Etat ont affaibli le système. Cette situation, résultant
plus de la défaillance de certains hauts fonctionnaires que de
l’inadaptation des textes, a occasionné un manque à gagner
considérable pour le Budget de l’Etat ». Au-delà de simples
erreurs que des individus effectueraient par inadvertance ou
méconnaissance des règlements, les règles douanières sont
parfois délibérément oubliées.
6.3.1 Les minorations des valeurs déclarées
Les minorations des valeurs déclarées s’observent lorsqu’on
compare les prix des importations selon les prove-
nances. Les minorations sont favorisées par l’informali-
té dans lesquelles s’opèrent les transactions régionales
puisqu’il est beaucoup plus difficile pour des opérateurs
de masquer la valeur transactionnelle qui figure forcé-
ment sur des factures de marchandises en provenance
d’outre-mer.
6.3.2 Les sous-taxations
Il est dans l’intérêt des importateurs d’avoir une mino-
ration du tarif appliqué. Il est toutefois difficile de
décrypter, selon les provenances, le favoritisme dont
bénéficie un importateur. Sans doute peut-on seule-
ment expliquer les « traitements de faveur » par la
capacité d’influence du commerçant sur les Douanes.
6.4 Les abus de pouvoir
Le transport des denrées périssables expose les commer-
çants à des chantages qui peuvent être exercés par les
forces de l’« ordre » : face au risque de blocage et de pertes
d’animaux ou de produits frais, les transporteurs doivent
s’acquitter d’un « droit » de passage. Cette pratique est
aussi encouragée par l’état de vétusté du parc de camions
et la tendance à les surcharger, ce qui donne facilement
prise aux forces de l’ordre pour imposer leur chantage à
l’amende.
Les tracasseries routières sont régulièrement mentionnées
comme la principale entrave au commerce. Les montants
exigés fluctuent donc beaucoup selon les axes empruntés,
les périodes et le type de marchandise. Les opérateurs
déclarent que la corruption est un phénomène qui s’est
étendu ; au-delà de l’UEMOA, même le Ghana est atteint
par cette gangrène.
Les transactions soumises aux plus fortes tracasseries sont
celles dont les importations sont limitées par l’Etat. Au
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Nigeria, comparés aux taux de protection élevés dépassant
les 100 % sur certaines marchandises importées (110 %
par exemple pour le riz) et aux amendes et saisies encou-
rues sur l’importation des produits prohibés, les coûts des
tracasseries sont nettement plus attractifs lorsqu’on échap-
pe aux droits officiels. Ainsi, il existe un marché fiscal illici-
te aux frontières, qui gouverne les flux commerciaux offi-
ciels et parallèles entre le Nigeria et ses voisins immédiats
de la CEDEAO. Cette capacité des forces de l’ordre à s’af-
franchir du droit pour détourner l’exercice de la coercition
résulte d’une faiblesse de l’Etat plus que d’une défaillance
inhérente à l’exercice, par l’Etat, de fonctions économiques.
6. Des hypothèses d’explication des “paradoxes” de l’évolution des flux
© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 13
6.5 Les défaillances de gouvernement : le contournement des accords
Pourtant, il existe des pratiques des gouvernements qui
relèvent bien d’interventions sur le fonctionnement effi-
cient du marché et qui limitent l’établissement de flux
commerciaux conformes aux avantages concurrentiels.
6.5.1 Les dédouanements forfaitaires
Au Bénin, puisque la mise en place du TEC correspondait pour
la plupart des produits à une hausse des tarifs douaniers, il exis-
tait le risque d’une diminution des flux d’importation, et donc de
recettes fiscales, importante pour le pays. Certains « arrange-
ments » avec le principe du TEC ont donc été trouvés. Le plus
spectaculaire est la mise en place d’une tarification forfaitaire
dont le montant est approuvé en Conseil des ministres.
6.5.2 Les importations liées
Une autre forme de contournement des engagements commer-
ciaux pris à l’UEMOA consiste à lier les importations avec des
achats domestiques. Cela est pratiqué notamment au Niger
pour le riz. Une règle analogue est pratiquée au Ghana. Depuis
2002, une loi oblige les organismes subventionnés par l’Etat (par
exemple les écoles, les hôpitaux, l’Armée) à se fournir en riz
local à un prix fixé entre les producteurs et le gouvernement et
ceci donc au détriment des importations.
6.5.3 Les quotas de droits de douane
Pour éviter une baisse trop importante des importations de tis-
sus au Bénin, un accord a été trouvé avec les autorités : seule
une partie des importations est assujettie à tous les droits et
taxes. Le montant à payer est calculé en fonction du montant
total prélevé avant l’application du TEC. De cette manière, les
taux effectivement appliqués sont inférieurs aux taux fixés par la
réglementation communautaire.
6.5.4 Les exemptions de TVA
Les exemptions de TVA constituent des pratiques générales à
tous les pays de la zone, mises en œuvre temporairement par
les gouvernements en invoquant une situation exceptionnelle ou
de crise alimentaire. Sachant que la marchandise ne sera pas
taxée par la TVA à l’entrée, les opérateurs n’hésitent pas à
importer plus que ce que les organismes stockeurs peuvent
acheter, en misant sur un écoulement ultérieur. L’exemption de
TVA et de droits de douane constitue d’ailleurs aux dires des
importateurs du Mali, la condition pour pouvoir réaliser des
marges sur le riz.
6.5.5 Les négociations par branche
Les exemples des filières sucre et oignons au Sénégal révèlent
une maîtrise des importations par un arsenal de mesures non
seulement tarifaires, mais de contrôle concerté avec les opé-
rateurs.
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6.6.1 Les obstacles administratifs
Les administrations invoquent souvent des usages
indus du régime suspensif pour justifier des contrôles
administratifs abusifs. Des régimes suspensifs, résul-
tant la plupart du temps des codes des investissements
en vigueur dans les pays de l’UEMOA, permettent à
des entreprises de bénéficier, entre autres, de fran-
chises de droits de douane, en principe transitoires, sur
leurs intrants pour la production de produits destinés à
l’exportation. Alors qu’en principe les mêmes règles
d’origine s’appliquent pour toutes les importations en
provenance des pays de la CEDEAO, on observe en
pratique que ces règles ne sont appliquées que si les
produits ne concurrencent pas les producteurs natio-
naux. Cela semble confirmer que le zèle des douaniers
est à vocation de protection : les exigences administra-
tives ne s’exercent que lorsque l’intérêt économique
national semble être en jeu.
6.6.2 Les normes
Une autre forme de restrictions consiste à introduire
des normes qui limitent voire empêchent les importa-
tions mais aussi les débouchés au niveau de la deman-
de finale. Tel est le cas pour les huiles alimentaires au
Nigeria (emballages de 4 litres minimum), des usten-
siles en aluminium au Burkina Faso (avec des normes
de forme), avec le concentré de tomate (avec l’interdic-
tion de toute forme de colorant).
6.6.3 Les règles d’origine
Au Nigeria en particulier, l’instauration de conditions
supplémentaires à celles exigées au niveau de la
CEDEAO conduit à créer des entraves au commerce.
Le moyen pour les entreprises de contourner ces lour-
deurs administratives est alors de passer dans l’infor-
mel, de se limiter au marché national ou de convenir
avec des opérateurs étrangers de livrer des marchandises sous
couvert de transit ou de transport d’effets personnels.
6. Des hypothèses d’explication des “paradoxes” de l’évolution des flux
© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 14
6.6 Les obstacles techniques et administratifs au commerce
6.7 Les défaillances de marché
Les caractéristiques propres aux marchés peuvent aussi
expliquer que les conditions d’une dynamisation du com-
merce intra-régional ne soient pas satisfaites.
6.7.1 Les caractéristiques de l’offre
La saisonnalité déterminant l’intensité des flux
Les flux de produits ne peuvent pas se raisonner unique-
ment en fonction de caractéristiques de prix. La disponibili-
té saisonnière des produits justifie un tarissement ou au
contraire une offre. Ainsi, les produits agricoles ne se trou-
vent en compétition d’un pays à l’autre que pendant une
période réduite alors que pendant d’autres, seul un pays
peut approvisionner le marché. Cela se traduit immédiate-
ment dans une forte rigidité des flux d’importations par rap-
port aux prix.
Les stratégies hétérodoxes des acteurs liées à l’absence
de marché (crédit et transports)
Les commerçants ne raisonnent pas toujours leurs transactions
une par une mais tendent à globaliser leur stratégie. Ils peuvent
ainsi être amenés à réaliser une vente à perte dans la mesure
où elle permet d’assurer un bénéfice important sur une autre.
Ce cas de compensations est très fréquent en Afrique de
l’Ouest en raison de l’absence de crédit ou de marché du fret.
Il est connu par exemple que les exportateurs nigériens de riz
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ou d’oignons, produits sur lesquels ils réalisent leurs marges,
réalisent des compensations avec des produits dont ils ne choi-
sissent pas toujours la nature ni la qualité, comme les engrais,
de manière à couvrir les frais de transport pour leurs camions
lors du trajet retour. Ces stratégies de compensation ou de troc
permettent aussi de pallier l’absence de crédit, de convertibilité
des monnaies de façon formelle ou le risque de change.
Des coûts fixes irréductibles
A l’exception du Nigeria, les marchés sont de petite taille en
Afrique de l’Ouest. La spécialisation des opérateurs est
donc difficile et souvent les commerçants profitent de
toutes les opportunités d’échange. Les moyens techniques
utilisés sont donc dans l’ensemble « polyvalents » et cela
vaut en particulier pour les camions. Les ressources sont
rarement utilisées de façon efficiente.
6.7.2 Les caractéristiques de la demande
La rigidité de la demande pour certains produits
La demande pour les produits alimentaires est rigide. En
période de pénurie, on peut donc avoir des augmentations
d’importations sans que cela soit justifié par les prix ou
toute modification des coûts de transaction. Ainsi, souvent,
la mesure des flux ne peut pas être mise en relation avec
une évolution des conditions d’accès (prix et taxes) des
produits.
Les différences de qualité (produits non homogènes)
La différence de qualité détermine des comportements d’achat
dont les prix rendent difficilement compte. On pourra ainsi
avoir des productions dont la minoration de prix pour une qua-
lité jugée inférieure ne suffit pas à doper la demande. Ce qui
complique l’analyse est la différenciation sociale et géogra-
phique de la demande : au Niger par exemple, le riz importé
est plus apprécié des couches urbaines. La brisure, pourtant
peu chère, n’est guère demandée. A l’inverse, au Sénégal, la
brisure fait partie des habitudes et ses importations surpassent
celles de riz entier.
6.7.3 La limite des disponibilités financières
(absence de marché du crédit)
Une offre limitée par les capacités financières
La difficulté d’accès au financement ne permet pas aux opéra-
teurs d’ajuster leur stratégie aux conditions qui assurent le
bénéfice maximum. Il y a un sous-investissement généralisé et
les transactions commerciales sont freinées. Le manque de
moyens de paiement modernes se traduit aussi par des diffi-
cultés pour les entreprises du secteur formel de se faire payer
les crédits de TVA, ce qui nuit à la rentabilité des entreprises.
A un autre niveau, l’absence de réseaux bancaires induit
une insécurité pour les commerçants. Ainsi, pour achemi-
ner une vingtaine de bovins de Maradi à Lagos, il faut dis-
poser d’un minimum de 3 millions de FCFA en liquide.
6.7.4 Stratégie des opérateurs et pouvoir de
marché
Les positions de monopole (défaillance de marché)
On rencontre de multiples exemples d’oligopoles ou de
positions dominantes. Quelques importateurs, dans chacun
des pays, exercent un contrôle sur la plupart des circuits de
distribution et les variations de leurs stocks influencent
celles des prix. Les grossistes sont en plus grand nombre,
mais manifestement ils arrivent à s’entendre pour maintenir
leurs niveaux de marges quels que soient les prix d’appro-
visionnement. Dans ces conditions, le prix d’accès aux
importations offre un signal peu clair pour orienter la
demande finale. Tel est le cas du marché du riz.Le marché
régional des engrais est partagé entre deux sociétés filiales
de multinationales ; celui du ciment l’est entre trois multina-
tionales.Régulièrement la presse se fait l’écho de contrats
«paradoxaux» où les prix pratiqués ne correspondent pas
aux prix de marché, et fait des insinuations sur le finance-
ment de partis politiques.
Les stratégies de dumping
Des opérateurs peuvent avoir des stratégies commerciales
très agressives en dehors de toute référence aux coûts de
production. Ainsi, au Bénin, les tissus importés des pays
6. Des hypothèses d’explication des “paradoxes” de l’évolution des flux
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asiatiques ont gagné des parts de marché importantes avec
des stratégies de pénétration de marché basées sur le
dumping. Plusieurs de nos interlocuteurs ont souligné que
le prix d’achat du tissu imprimé est inférieur au prix du tissu
écru acheté en Chine.
Les ententes entre opérateurs
Sur le marché du ciment, on constate que les exportations
intra-régionales sont relativement limitées. Généralement,
les cimentiers semblent opérer une péréquation entre les
différents pays de manière à maintenir une activité et une
part de marché. On peut en effet penser que la disparition
d’une usine ne pourrait pas être compensée durablement
par les exportations d’une unité d’un pays voisin compte
tenu des coûts de transport. On préfère donc ne pas aban-
donner la production locale à un concurrent, même si la
production n’est plus rentable.
Le paiement de droits d’entrée sur le marché
Cette pratique a été mentionnée pour le maïs au Bénin
où, face au risque de surabondance sur les marchés
nationaux, les commerçants suscitent la rétention au
niveau des producteurs en s’entendant pour ne pas
acheter de marchandise ou pour faire des conditions de
paiement suffisamment défavorables à ceux qui
seraient tentés de faire de la vente directe sur le mar-
ché de Cotonou.
6.7.5 Conclusion sur les défaillances de marché
On constate qu’isoler les défaillances de gouvernement
sans prendre en considération le poids des lobbies et l’arti-
culation avec les défaillances de marché serait un contre-
sens. L’action de l’Etat ne s’inscrit pas dans une logique
autonome : si certaines pratiques sont inhérentes aux
caractéristiques de l’Etat (normalisation, coercition, faible
contrainte financière), elles trouvent souvent leur moteur
dans la capacité des agents économiques à tirer parti de
ces facultés qu’a l’Etat de s’affranchir de la loi de l’efficien-
ce maximale. C’est donc de ce lien intime entre défaillances
de gouvernement et défaillances de marché que naît l’en-
semble des règles (régulations) qui portent atteinte au
règne du prix comme déterminant principal des choix éco-
nomiques. La question de la tarification s’en trouve relé-
guée au second plan.
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La question des effets des APE doit être envisagée de
deux points de vue : du point de vue politique et du
point de vue de économique, les deux se rejoignant
dans l’appréciation de l’acceptabilité des effets écono-
miques dans un contexte social et politique donné.
7. Quelle perspective d’une application effective d’une ZLE ?
7.1 Les perspectives de modification des flux commerciaux intra-régionaux
La perspective la plus communément admise est la dynamisa-
tion du commerce de l’UEMOA vers la CEDEAO – hors
UEMOA. Les produits qui bénéficieraient d’un tel effet sont ceux
qui jouissent déjà de demandes du côté du Nigeria. D’une cer-
taine manière, la liste des produits prohibés est un bon indica-
teur des produits dont le Nigeria se protège des importations
principalement parce qu’il prétend ne pas disposer d’avantage
concurrentiel. On doit, en plus, considérer les produits déjà
importés par le Nigeria et pour lesquels aucune restriction
n’existe et qui bénéficieront d’un avantage supplémentaire avec
la mise en place du TEC.
On peut donc s’avancer à citer, au titre du premier
argument, les viandes bovines, ovines et porcines
fraîches ou réfrigérées – même si la capacité d’offre
des pays de l’UEMOA est très limitée –, le manioc, le
maïs, le sorgho, le mil, les confiseries, les biscuits, les
ciments voire les pâtes et nouilles, les eaux minérales
et au titre du second, le bétail sur pied, le riz, les
tomates et oignons, les concentrés de tomate, l’huile
de palme, de coton et d’arachide.
Il n’est toutefois pas exclu qu’en vertu de l’abaissement
des tarifs de la zone UEMOA vis-à-vis de la zone
CEDEAO – hors UEMOA, des échanges dans l’autre
sens se produisent : l’avantage du Nigeria sur les pays
de l’UEMOA réside dans un coût de l’énergie plus favo-
rable dont l’incidence sur les produits coûteux en éner-
gie serait un gain de compétitivité. Seraient alors
concernés les produits de l’aluminium, les engrais et
les produits en plastique.
En même temps, du fait que l’abaissement du tarif moyen de la
CEDEAO – hors UEMOA vis-à-vis de l’UE est plus fort que celui
de l’UEMOA vis-à-vis de l’UE, il devrait y avoir des gains de parts
de marché de l’UE vers les pays tels que le Nigeria mais aussi
dans une certaine mesure vers l’UEMOA. Seraient concernés
les farines et produits de la minoterie, la chimie et pharmacie, la
viande de volaille et généralement les produits de l’industrie
agro-alimentaire.
Par voie de conséquence, certaines activités consom-
matrices d’intrants de l’UE seraient bénéficiaires avec
un avantage supplémentaire aux pays qui préalable-
ment payaient le plus cher ces intrants. On peut penser
que les fabricants de biscuits, nouilles, et les produits
plastiques seraient concernés. Pour ces produits, les
industriels de la CEDEAO pourraient être gagnants sur
ceux de l’UEMOA.
7.2 Le poids des différentiels de productivité
Certains produits ont de tels avantages compétitifs sur
les produits européens ou de la CEDEAO qu’ils
seraient peu affectés par les différentiels tarifaires
générés par l’APE. On peut penser aux produits origi-
naires des pays émergents comme les textiles, les pro-
téagineux, l’huile de palme, le riz (sur les zones
côtières notamment) mais aussi les engrais, les pro-
duits de la sidérurgie, etc.
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Face à une telle pression concurrentielle, on peut se
demander si l’adaptation à laquelle doit conduire la
« vérité des prix » est réaliste. Des économies dévelop-
pées comme celles d’Europe sont incapables de trou-
ver les ressources nécessaires pour accroître la com-
pétitivité-prix de leurs tissus au niveau des produits asia-
tiques. Qu’en sera-t-il de l’Afrique de l’Ouest ? On ne peut
pas non plus passer sous silence l’ensemble des mesures
de subventions qui accroissent artificiellement la compétiti-
vité des produits de pays tiers et qui sont largement dénon-
cées tant par les opérateurs que par les organisations non
gouvernementales.
7. Quelle perspective d’une application effective d’une ZLE ?
© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 18
7.3 Les leçons de l’expérience
Enfin, l’ensemble des analyses réalisées nous amène à
questionner la pertinence d’une prospective sur le com-
merce régional. Les pratiques des Etats et des acteurs
au cours de la dernière décennie laissent penser que
les résistances à la libre circulation interne des produits
et à la mise en place d’un tarif extérieur commun seront
nombreuses.
L’évolution constatée au cours des dernières années
– une hausse des importations en provenance de l’UE –
préfigure aux yeux des autorités de plusieurs pays de la
zone, l’effet qu’aurait la mise en place d’un APE. Cela
vaut surtout pour le Nigeria dont la réappréciation de la
monnaie à la fin de l’année 2005 a conduit à une relan-
ce très importante des importations en volume (+ 45 %).
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© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 19
Les constats de comportements économiques héré-
tiques, au regard des attentes des rédacteurs de
l’Accord de Cotonou, abondent. Seul un optimum de
second rang, c’est-à-dire un compromis qui intègre les
limites des Etats et des agents économiques à réaliser
spontanément un optimum et vise à l’obtenir en deuxiè-
me approche est atteignable. La théorie économique
standard – qui fait référence dans les instances de
négociations commerciales – admet qu’un tel compro-
mis est préférable à la recherche à tout prix de l’élimina-
tion des défaillances si quelques-unes devaient immanqua-
blement persister. La négociation est alors le moyen de réa-
liser cet objectif.
Mais en abordant les négociations sur l’ampleur et les
limites de la libéralisation, on se heurte à deux problèmes
essentiels. Tout d’abord on se cantonne au plus facile :
on s’attaque aux défaillances de gouvernement, sans
garantie que l’on obtienne une efficience supérieure (on
reste dans une logique de premier rang) tant que parallèle-
ment on n’attaque pas les causes qui maintiennent les
défaillances de marché. Il est en effet plus facile d’atteindre
un accord en haut, de gouvernement à gouvernement, que
de résoudre les problèmes posés par la multitude des jeux
d’acteurs sur le fonctionnement des marchés.
On reste aussi dans une logique de recherche d’efficacité
économique maximale avec une absence notable de
prise en considération des aspects de répartition de
valeur ajoutée générée et de redistribution. On ne fait
guère de concession à la question de l’inéquité. Ici, si les
bailleurs sont conséquents avec leur engagement pour
atteindre les objectifs du millénaire, ils devraient inscrire
dans la négociation autour des APE et des produits sen-
sibles, la préoccupation pour la lutte contre la pauvreté.
C’est souvent à travers le prisme de la politique commercia-
le que l’on peut identifier l’état des forces en présence, les
rapports qui peuvent se nouer entre les différents acteurs
des filières, leur capacité d´influence sur les décideurs. Ce
sont ces considérations d’économie politique plutôt que la
rationalité économique pure qui déterminent, pour les
négociateurs, les marges de manœuvre pour la défense
des activités nationales lors des négociations internatio-
nales, qu’il s’agisse des Accords de partenariat écono-
mique ou des négociations dans le cadre de l’OMC.
L’accompagnement de la négociation des APE ne peut
donc se faire qu’à condition de replacer l’économie poli-
tique au cœur des analyses et des argumentaires. De ce
fait, les discussions sur les produits sensibles dépasseront
les considérations techniques.
La mise en place du TEC CEDEAO remet en cause les
compromis nationaux des pays de la CEDEAO-hors
UEMOA et réveille les frustrations issues de l’imposition du
TEC, par le haut, aux opérateurs des pays de l’UEMOA. La
CEDEAO se trouvera bientôt prise dans un processus
contradictoire d’unification 4, qui vise à éviter l’émergence
de revendications nationales ou catégorielles prétendant
pouvoir déroger aux règles du TEC, et le souci de laisser
une certaine souplesse dans son application par la mise en
place de mécanismes d’accompagnement.
8. Conclusion
8.1 Les enjeux des négociations sur les APE
4 L’approche uniformatrice expérimentée par l’UEMOA se révèle, pour les pays, par des
écarts entre le niveau du TEC et celui des tarifs consolidés – plus élevés pour sept pays de
l’UEMOA - théoriquement admissibles au regard de l’OMC.
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Il y a un risque que le compromis atteint avec le TEC
UEMOA vole en éclat lors de l’extension à la CEDEAO. Le
principe de libéralisation avait le mérite de simplifier les
règles par son caractère « uniformisateur ». Lorsqu’il s’agit
d’octroyer des dérogations, on doit se rendre à l’évidence
que le rapport de force entre pays agira sur la défense de
la protection d’un produit plutôt que d’un autre. Les déroga-
tions risquent alors de constituer un coin dans la fissure
prête à apparaître entre les pays ; elles seront alors un fac-
teur centrifuge d’une construction politique qui se voulait
intégratrice. C’est sans doute ce qui justifie la réticence de
la direction des Politiques fiscales, douanières et commer-
ciales à accepter des modifications à la fois de catégorisa-
tion et de tarification pour certains produits.
Finalement, le risque persiste que les pays en viennent à
mettre en œuvre des stratégies différenciées selon la fonc-
tion économique attribuée aux produits. Ils leur applique-
raient alors des mesures spécifiques, en marge des dispo-
sitions prévues par le TEC CEDEAO, de la même manière
que les pays de l’UEMOA l’avaient fait suite à l’introduction
du TEC UEMOA.
8. Conclusion
© AFD Document de travail n° 39 • Accords de partenariat économique et dynamique ... 20
8.2 Les pistes de collaboration pour accompagner les négociations
La raison politique sera déterminante dans la négociation
commerciale et précisément dans l’inscription des produits
sur la liste des produits sensibles. Souvent la décision sera
orientée par une appréciation de court terme, sous l’influen-
ce de groupes de pressions (lobbies économiques,
consommateurs urbains, fonctionnaires etc.). L’analyse
économique peut alors servir de contre-argumentaire qui
mettrait en avant les dommages politiques à plus long
terme de la négligence pour une filière ou au contraire de
l’attention et de moyens excessifs accordés à un secteur.
La mise en évidence du potentiel de création de valeur
ajoutée et de capacité redistributive que confère une filière
peut militer pour une redéfinition des positions de négocia-
tion. La puissance gouvernementale peut alors trouver
dans l’expertise économique une alliée, cette dernière réin-
troduisant de la rationalité économique (incluant le social)
dans les choix publics en mettant l’accent sur les effets
redistributifs des options de politique commerciale.
La collaboration des opérateurs à la suppression des
entraves au commerce qui limitent la portée de toute déci-
sion administrative concernant le commerce, nécessite un
accompagnement spécifique. Plusieurs programmes ont
existé qui misaient à la fois sur le renforcement institution-
nel et des opérateurs (JITAP, PRCC par exemple), mais la
pratique montre que si le secteur formel peut avoir accès
aux services fournis, l’information reste confinée. Il convient
d’envisager un travail direct avec les opérateurs les moins
structurés (organisations rurales, commerçants des mar-
chés régionaux) et qui affichent le plus souvent leur mécon-
naissance de leurs droits et des règlements. Le travail d’ap-
pui aux Douanes qui constituent un guichet d’information
doit aussi être poursuivi, dans le sens d’une harmonisation
des pratiques en particulier.
Mais on doit concéder que les entraves au commerce – en
particulier celles qui relèvent des défaillances de marché –
reposent sur des facteurs économiques et sociaux contre
lesquels les législateurs auront peu prise à court terme.
Nous pensons avoir suffisamment décortiqué la relation qui
lie démantèlement tarifaire et développement des
échanges pour mettre en évidence l’insuffisance du pre-
mier pour obtenir le second. L’enchaînement logique qui est
à la base de l’Accord de Cotonou et que nous question-
nions en introduction n’est donc pas réalisé et ne peut l’être
sans intervention sur la base productive. Cela suffit, à notre
sens, à invalider une posture rigide qui ferait du démantè-
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lement tarifaire une conditionnalité pour un développement
économique des unions régionales en construction. La
construction du lien entre développement des échanges et
compétitivité des entreprises est un chantier dans le cas de
l’Afrique de l’Ouest.
En effet, dans quelle mesure les conditions de production
et d’investissement permettent-elles d’augmenter les capa-
cités des entreprises pour satisfaire une demande qui croî-
trait ? Cette question récurrente sur l’environnement des
affaires, l’absence de certains marchés (crédit, assurance)
pour des pans entiers de l’économie, la faiblesse des biens
publics, en premier lieu des infrastructures, surgissent
comme premiers facteurs limitants avant ceux des
entraves au commerce. Pour des secteurs dominants
en termes d’emploi et de création de richesse – l’agri-
culture, en premier lieu - qui finalement ont su se main-
tenir en dépit de toutes ces contraintes au développe-
ment de leur productivité, la question de politiques plus
favorables au soutien des prix n’est-elle pas la priorité
pour sortir de la trappe de la pauvreté et enclencher un
processus d’accumulation ? La question commerciale
se déplacerait alors de celle sur les entraves au com-
merce à celle de la préservation de conditions du main-
tien des prix dans des entités régionales. La CNUCED,
avec son rapport 2006, a permis de relégitimer le rôle
de la protection dans le développement économique.
La communauté des bailleurs ne devrait donc pas man-
quer de rouvrir le débat. C’est une occasion de revisi-
ter la question du rôle de la protection dans le dévelop-
pement des pays.
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